À l’occasion du séminaire gouvernemental consacré à l’évaluation de la gouvernance locale et aux perspectives de la réforme de la décentralisation, le Président de la République, Patrice Talon, a tenu des propos qui résonnent comme une nouvelle profession de foi en faveur de la limitation du pouvoir d’État et de l’alternance démocratique. En affirmant, devant les préfets et membres du gouvernement réunis ce vendredi 13 juin à la Salle du Peuple du Palais de la Marina, qu’il n’aura « plus l’occasion d’avoir une telle rencontre avant de passer la main », le chef de l’État béninois semble vouloir clore, une fois de plus, les débats persistants autour d’un hypothétique troisième mandat présidentiel.
« Je crois que je n’aurai plus l’occasion d’avoir une telle rencontre avant de passer la main… Je crois au destin du Bénin… Je n’ai qu’une prière : vivre un peu longtemps pour constater cela de mes yeux, mes propres yeux », a déclaré Patrice Talon dans une séquence empreinte d’émotion et de solennité. Ces mots, prononcés dans le contexte d’un séminaire axé sur la réforme de la décentralisation, prennent une dimension politique importante. Ils s’inscrivent dans une série de déclarations similaires faites par le président depuis son élection en 2016, puis sa réélection en 2021, où il a toujours soutenu qu’il ne ferait que deux mandats, conformément à la Constitution du Bénin. Cependant, dans un climat politique africain où plusieurs dirigeants ont récemment modifié les règles du jeu pour se maintenir au pouvoir, chaque sortie présidentielle au Bénin est scrutée avec attention.
*Une volonté réitérée de respecter la Constitution*
Les propos du président Talon ne sont pas sans rappeler ceux de mars 2021, lors de son investiture pour un second mandat, où il déclarait déjà vouloir « faire ses cinq ans et partir ». Mais les doutes n’ont jamais complètement disparu. L’absence de dauphin clairement désigné, les tensions politiques avec l’opposition, les restrictions de libertés dénoncées par des organisations internationales, les lois électorales corsées et excluant certaines formations politiques ainsi que la concentration des pouvoirs dans l’exécutif ont alimenté, au fil des années, les suspicions d’une volonté de prolongation de mandat.

En ce sens, la sortie du 13 juin 2025 apparaît comme une tentative de dissiper les zones d’ombre et de rassurer l’opinion nationale et internationale. En évoquant directement sa succession — et ce dans un cadre institutionnel — le président veut probablement marquer sa volonté d’inscrire sa gouvernance dans l’ordre constitutionnel, à quelques mois de l’ouverture du processus électoral pour la présidentielle de 2026.*
Une fin de mandat sous le signe des réformes
Ce séminaire sur la décentralisation, au cours duquel le président s’est exprimé, visait à évaluer les acquis de la réforme de la gouvernance locale, amorcée sous son mandat. À travers une série de mesures, le gouvernement entend renforcer l’efficacité de l’administration territoriale, redéfinir les rôles des collectivités locales, et améliorer les relations entre l’État central et les communes.
Mais au-delà des thématiques techniques, c’est bien la perspective de 2026 qui donnait à cette rencontre un parfum particulier. À mesure que s’approche la fin du deuxième et dernier mandat de Patrice Talon, le pays entre dans une période sensible où chaque geste et chaque mot du président sont interprétés à l’aune de la transition démocratique à venir.
Une parole qui engage, mais un peuple qui reste vigilant
Si les propos du président traduisent une volonté apparente de respecter la Constitution et d’organiser une alternance paisible, l’histoire récente du continent pousse à la prudence. Dans plusieurs pays, des déclarations similaires ont précédé des revirements spectaculaires. Au Bénin, les forces politiques, la société civile et les observateurs internationaux continueront donc de suivre de près l’évolution de la situation.
En attendant, les mots du président résonnent comme une promesse, voire un engagement solennel. Reste à savoir si cette nouvelle sortie suffira à apaiser définitivement les craintes et à tourner la page du débat sur un troisième mandat, qui n’en finit pas de hanter les démocraties africaines.
Boris MAHOUTO