Mandat de dépôt contre Loïc Lawson et Anani Sossou
Grande levée de bouclier…
Placés sous mandat de dépôt le mardi 14 novembre 2023, les journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou viennent de passer leur première nuit à la prison civile de Lomé. Corolaire d’un processus de mise en examen du Directeur de publication de notre journal FLAMBEAU des Démocrates et de son confrère journaliste freelance par la Brigade de Recherches et d’Investigations (BRI) de la Police Nationale. A l’origine de l’imbroglio, l’affaire de vol au domicile du ministre d’Etat Kodzo Adedze, à Kovié, et dont le montant avancé par les deux confrères est contesté par le plaignant. Cette privation de liberté des deux journalistes suscite curiosité et indignation dans l’écosystème de la presse tant au plan national qu’international. Le cas de l’Union Internationale de la Presse Francophone (UPF) dont Loïc Lawson, est le Président de la Section togolaise (UPF-Togo). Tout en exprimant «sa profonde inquiétude», l’UPF Internationale dit suivre l’affaire avec toute l’attention nécessaire.
Les faits
«Togo : c’est près de 400 millions de FCFA qu’un jeune d’origine béninoise a volé au village au domicile du ministre ADEDZE, selon notre source proche de l’enquête. Le jeune a été arrêté suite aux nombreuses dépenses (achat de plusieurs motos et tricycles) qu’il faisait suite au vol ». Tout est parti de ce tweet de la version numérique du journal Flambeau des démocrates, en date du 05 novembre 2023. A suivi, le 10 novembre, par le biais de Me Mawuke K. Possian, Huissier de Justice près la Cour d’Appel et le Tribunal de Grande Instance de Lomé, une notification d’un ordre de convocation, à la requête de Adedze Kodjo Sévon Tépé, du ministre en charge de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la réforme foncière. Pour les nécessités d’une enquête judiciaire, indique la note, le Commandant invite M. LAWSON Loïc à se présenter le lundi 13 novembre 2023 à 10h30 à la Brigade de Recherches et d’Investigations de la Direction Générale de la Police Nationale.
Parallèlement à Loïc Lawson, Anani Sossou qui, reprenant l’information, y est allé avec d’autres détails et commentaires dans une publication sur sa page Facebook, est aussi visé par cette convocation.
Le film
Lundi, les deux journalistes ont comparu par-devant le Commandant de la BRI de la DGPN. Commencés à 10h30, les interrogatoires ont pris fin aux environs de 18 heures GMT. Mais peu avant, les deux confrères, dans une seconde publication, ont indiqué qu’une autre source proche du dossier juge que les chiffres avancés étaient surestimés. Tout au long de l’exercice, les prévenus ont été affublés, de façon alternative, de questions auxquelles ils ont répondu. Au terme des auditions qui ont duré presque 6h d’horloge assorties de 3 chefs d’accusation ‘’diffamation’’, ‘’atteinte à l’honneur et l’image’’ et à ‘’l’intégrité du ministre’’, le Commandant leur a notifié leur mise en garde à vue.
Dans la mi-journée du mardi 14 novembre, notification leur a été faite de ce qu’ils seront présentés au Procureur de la République en début d’après-midi (14h30). En l’absence de ce dernier, le dossier a été instruit par le juge Adenka, 1er Substitut. Ce dernier n’a pas voulu ouvrir un débat et a aussitôt filé la patate chaude au 3e Substitut du juge d’instruction Djikounou qui les a inculpés et placés sous mandat de dépôt.
Nonobstant des débats de fond très houleux entre le conseil des prévenus, composé de Me Attoh Mensan et Me Monou Thibus qui ont même proposé 3 alternatives que recommande le code pénal dans le cas précis, notamment la libération sous caution, libération sous contrôle judiciaire et libération sous garantie, des options toutes rejetées, le juge qui, aux dires des Avocats, avait déjà sur sa table les dossiers prêts, n’a pas bougé d’un iota de sa position. Il retient pour chefs d’accusations,’ détention et diffusion de fausses informations, diffamation et atteinte à l’honneur susceptible de troubler l’ordre public. Pas question de transiger. Direction, prison civile de Lomé.
La nuit tombante, constatant la fermeture du bureau du Régisseur, le cortège a rebroussé chemin vers la BRI où les deux confrères ont passé leur deuxième nuit privative. Mercredi vers 10h, Loïc Lawson et Anani Sossou ont été finalement déposés en prison où ils croupissent et partagent la même cellule que voleurs, délinquants et criminels de tout acabit.
Réactions
De Lomé à Paris en passant par Dakar, les réactions sont celles d’indignation. «Nous exhortons les autorités judicaires togolaises à garantir un traitement équitable et transparent pour Loïc Lawson et Anani Sossou, respectant ainsi les principes fondamentaux de la liberté de la presse et du droit à l’information », avait déjà indiqué, dans un communiqué, la section togolaise de l’UPF. De plus, l’UPF Togo attire l’attention sur le contexte plus large de cette affaire, en rappelant les antécédents judiciaires impliquant, courant 2021, le ministre même Adedze et deux journalistes togolais finalement condamné dans l’affaire ‘’Pétrolegate’’ et dont l’un, Joël Egah, Directeur de Publication du journal Fraternité décèdera, deux mois seulement après leur libération. «La démocratie ne peut prospérer que dans un environnement où les médias peuvent fonctionner librement sans craindre des représailles. La répétition de telles situations ne peut que nuire à la démocratie et à la liberté d’expression au Togo », a poursuivi le communiqué signé par Dr Pierre-Claver KUVO, Vice-Président de l’UPF-Togo.
A sa suite, l’UPF Internationale exprime sa profonde inquiétude face à cette interpellation et aux accusations avancées. Elle dit soutenir fermement la demande de l’UPF-Togo à garantir un traitement équitable et transparent pour les confrères. Tout en suivant l’affaire avec toute l’attention nécessaire, «l’UPF n’hésitera pas à mobiliser son réseau international en vue de défendre le droit des journalistes à exercer librement leur profession, mais aussi afin de protéger les collègues interpellés », alerte le Bureau International, la plus ancienne association francophone de journalistes qui, créée en 1950, est présente sur les cinq continents avec 110 sections, regroupant quelque 4000 journalistes membres et collaborateurs de la presse écrite, audiovisuelle et internet.
Au-delà de la famille UPF, le soutien et la solidarité de toute la presse internationale, de RFI à TV5 Monde en passant par l’Agence France Presse (AFP), TRT Africa, la Chaîne publique Turque et le Comité pour la Protection des Journalistes, pour ne citer que celles-là, n’ont pas manqué aux confrères.
Outre le monde de la presse, des acteurs politiques apportent leur soutien aux deux journalistes emprisonnés. «Si Faure Gnassingbé était comme certains de ses ministres, nous serions tous en prison en ce moment », a écrit sur sa page Facebook, le député Gerry Taama Komandega. «Ce qui me choque, c’est qu’il soit admis qu’il y a eu cambriolage et que des journalistes soient en garde à vue pour en avoir parlé…Je ne suis pas opposé à un procès. Si les journalistes ont menti au sujet de ce vol, qu’ils soient punis à l’issue d’un procès équitable où il faudrait qu’ils produisent les éléments de preuves, mais la prison comme les grands bandits, pour moi, ça va trop loin », s’est désolé le président du parti Nouvel Engagement Togolais (NET).
Abass Kaboua, un autre député, sur une radio privée de la place, a insisté sur le fait que le Procureur de la République devrait s’autosaisir de l’affaire, qualifiant la situation de grave. « Il faut que le Procureur de la République s’autosaisisse de cette affaire. Aujourd’hui, ce qui se passe est grave. Le Montant volé est un peu plus de 400 millions. Mais la question qu’il faut se poser, c’est qu’est-ce que plus de 400 millions faisaient dans la maison du ministre ? », s’est demandé le président du Mouvement des Républicains Centristes (MRC).
Commentaires
S’il est vrai que des personnalités publiques évoquent cette affaire, avec parfois plus de détails que les journalistes, sans être nullement inquiétés, il apparaît donc curieux que l’on fasse fixation sur les journalistes qui n’ont fait que leur travail. Encore que le plaignant qui réfute les chiffres avancés par les journalistes n’a jusqu’alors pas apporté les siens. Somme toute des réflexions bruissantes. Qu’à cela ne tienne, un journaliste n’a pas sa place en prison. Au contraire, c’est un maillon essentiel pour le développement du pays. D’où la nécessité d’œuvrer ensemble à un dénouement heureux de la situation. Le président Faure et l’exécutif togolais s’imposent et impactent par une diplomatie offensive axée sur le dialogue. Leurs efforts ne méritent pas d’être sabordés par de telles affaires qui frisent l’acharnement contre un corps professionnel. Mieux, une mauvaise publicité pour le Togo à l’international. Liberté pour Loïc Lawson et Anani Sossou !!!
La Rédaction