Royaume-Uni : le projet de loi d’expulsion de migrants au Rwanda adopté par le Parlement. Présenté comme une mesure phare de la politique de lutte contre l’immigration clandestine du premier ministre, Rishi Sunak, ce texte vise à envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni.RCMM Le premier ministre britannique, Rishi Sunak,
Au terme d’une intense bataille entre la Chambre des lords et la Chambre des communes, le Parlement britannique a approuvé, dans la nuit du lundi 22 avril au mardi 23 avril, le projet de loi permettant l’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni.
La Chambre des lords, où les conservateurs n’ont pas la majorité, a retardé l’adoption définitive du texte en le renvoyant sans cesse à la chambre basse avec des amendements, lesquels étaient à leur tour systématiquement rejetés par les députés. Une manœuvre dilatoire connue sous le nom de « ping pong parlementaire ».
Annoncé il y a deux ans par le gouvernement conservateur de Rishi Sunak et présenté comme une mesure phare de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine, ce projet vise à envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile − d’où qu’ils viennent − entrés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche sur des canots pneumatiques.
Rishi Sunak assure que tout est « prêt » pour lancer les expulsions. Adossé à un nouveau traité entre Londres et Kigali qui prévoit le versement de sommes substantielles au Rwanda en échange de l’accueil des migrants, le texte débattu lundi au Parlement visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier. Il définit notamment le Rwanda comme un pays tiers sûr. Or si le Rwanda se présente comme l’un des pays les plus stables du continent africain, son président Paul Kagame est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression.
Les Lords ont notamment voulu exiger que le Rwanda ne soit pas considéré comme un pays sûr jusqu’à ce qu’un organisme de contrôle indépendant le dise. Ils souhaitaient également que les agents, les alliés et les employés du Royaume-Uni à l’étranger, y compris les Afghans qui ont combattu aux côtés des forces armées britanniques, soient exemptés d’expulsion. Au final, la chambre haute, dont les membres ne sont pas élus, a décidé se plier à la volonté de la Chambre des communes désignée au suffrage universel, et a décidé de ne plus amender le texte, garantissant son entrée en vigueur.
Plus tôt lundi, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, avait assuré que tout était « prêt » pour expulser des demandeurs d’asile vers le Rwanda, une fois que le projet de loi en ce sens sera voté.
« Ces vols décolleront, quoi qu’il arrive », a affirmé M. Sunak lors d’une conférence de presse destinée à présenter les moyens déployés par le gouvernement pour organiser ces expulsions. « Le premier vol partira dans dix à douze semaines », a assuré M. Sunak, soit « plus tard que ce que nous aurions souhaité ». Le gouvernement avait jusqu’ici affiché sa volonté de voir les expulsions débuter au printemps.
Le projet critiqué jusqu’à l’ONULe gouvernement a mobilisé des centaines de personnels, notamment des juges, pour traiter rapidement les éventuels recours de migrants illégaux, et débloqué 2 200 places en détention pour eux en attentant que leurs cas soient étudiés, a précisé M. Sunak lundi. Des « vols charters » ont été réservés pour effectuer ces expulsions, a-t-il ajouté.
L’enjeu est également électoral pour le Parti conservateur et M. Sunak, à quelques mois des prochaines élections législatives, pour lesquelles l’opposition travailliste est donnée largement en tête.
Le projet britannique est vivement critiqué jusqu’aux Nations unies (ONU), dont le haut-commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, a estimé qu’il va « à l’encontre des principes fondamentaux des droits humains ». Lundi, les rapporteurs spéciaux auprès des Nations Unies sur le trafic d’êtres humains, sur les droits des migrants et sur la torture ont prévenu que les compagnies et autorités aériennes qui faciliteraient les vols concernés « pourraient être complices d’une violation des droits humains protégés au niveau international ».
Dans une déclaration à l’Agence France-Presse, le directeur général de l’organisation Care4 Calais Steve Smith a jugé le plan « impraticable », « brutal » et « qui ne réussira pas à mettre fin aux traversées de la Manche ». Le gouvernement devrait « se concentrer plutôt sur la tâche vitale consistant à traiter les demandes d’asile de manière juste et rapide », a aussi réagi Enver Solomon, du Refugee Council.
Après avoir atteint un record en 2022 (45 000), puis baissé en 2023 (près de 30 000), le nombre de personnes ayant traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune a augmenté de plus de 20 % depuis le début de l’année par rapport à l’an dernier.RCMM