Après plusieurs jours d’attente et un report inattendu, la Cour constitutionnelle a rendu ce jeudi soir sa décision dans l’affaire opposant le parti Les Démocrates au tribunal de Cotonou au sujet du parrainage du député Michel Sodjinou. Saisie d’un recours en inconstitutionnalité par le député Abdel Kamel Ouassagari, la haute juridiction s’est finalement déclarée incompétente en l’état, laissant en suspens l’un des volets les plus sensibles du processus de parrainage pour la présidentielle de 2026.
Un dossier politique à fort enjeu
Tout est parti de l’ordonnance rendue par le tribunal de première instance de Cotonou, laquelle a conduit la Commission électorale nationale autonome (Céna) à annuler la première fiche de parrainage attribuée au député Michel Sodjinou. Une décision que le parti Les Démocrates a jugée illégale et contraire à la Constitution, estimant que le contentieux du parrainage relève exclusivement de la Cour constitutionnelle. Le recours introduit par le secrétaire administratif du parti, Abdel Kamel Ouassagari, visait donc à faire constater l’incompétence du tribunal de Cotonou et à obtenir l’invalidation pure et simple de son ordonnance.
Une audience reportée puis reprise
Prévue initialement pour le lundi 20 octobre 2025, l’audience n’a finalement eu lieu que le jeudi 23 octobre, après un report de 72 heures demandé par le requérant. M. Ouassagari avait alors expliqué ce report par « l’apparition d’éléments nouveaux » survenus la veille, susceptibles de renforcer son recours. À l’ouverture de l’audience de ce jeudi, les sept sages de la Cour ont entendu les arguments du parti Les Démocrates représenté par ses avocats Me Sadikou Alao et Me Victorien Fadé, qui ont insisté sur la violation des principes constitutionnels.
Les arguments du parti Les Démocrates
Devant la Cour, Abdel Kamel Ouassagari a d’abord rappelé que les textes du parti imposent la discipline et interdisent tout acte de nature à saboter les décisions internes. Selon lui, en retirant sa fiche de parrainage déjà remise au parti, Michel Sodjinou aurait violé les règles de fonctionnement du parti et trahi son engagement politique.
Mais au-delà du différend interne, c’est la décision du tribunal de Cotonou qui est jugée problématique par les Démocrates.
Leur avocat, Me Sadikou Alao, a soutenu que le président du tribunal « a outrepassé ses compétences » en se saisissant d’un dossier relevant du contentieux électoral, domaine réservé à la Cour constitutionnelle. « Le tribunal ne saurait ordonner la rétrocession d’une fiche de parrainage », a-t-il déclaré, avant d’ajouter que « les droits fondamentaux du parti et de son président, Boni Yayi, ont été violés ».
Me Alao a également attiré l’attention de la Cour sur la célérité inhabituelle de la procédure : « Sommation, assignation et audience en référé ont été menées le même jour », a-t-il dénoncé, estimant que cette précipitation relevait d’une irrégularité manifeste. Son confrère Me Fadé a abondé dans le même sens, demandant à la Cour de « rétablir la hiérarchie des normes » et de constater la violation des principes de séparation des pouvoirs.
Une décision attendue et une issue provisoire
Après examen, la Cour constitutionnelle a choisi de joindre les cinq recours déposés sur la même affaire avant de rendre sa décision en soirée, autour de 20 heures.
Dans son arrêt, la haute juridiction a déclaré son incompétence en l’état, sans se prononcer sur le fond du dossier. Cette décision, bien que technique, laisse ouverte la question de savoir quelle juridiction sera finalement compétente pour trancher le litige du parrainage de Michel Sodjinou — une question cruciale à l’approche du scrutin présidentiel de 2026.
Un nouvel épisode dans la bataille politique autour du parrainage
Pour le parti Les Démocrates, cette affaire dépasse le cas individuel du député Sodjinou. Elle illustre, selon eux, les tensions croissantes entre les institutions et les zones d’ombre du système de parrainage, mécanisme devenu incontournable dans le processus électoral béninois. En se déclarant incompétente « en l’état », la Cour constitutionnelle n’a pas fermé la porte à un nouvel examen du dossier si les conditions juridiques sont réunies. Mais pour l’heure, le parti de Boni Yayi devra revoir sa stratégie juridique dans un contexte politique déjà sous haute tension.
Boris MAHOUTO