Le jeu de la succession est lancé. À mesure que se rapproche l’échéance de la présidentielle de 2026, les regards se tournent vers le chef de l’État Patrice Talon. Celui que l’on surnomme le « réformateur » n’a pas encore officiellement désigné son dauphin. Pourtant, trois noms reviennent avec insistance dans les coulisses du pouvoir : Romuald Wadagni, Joseph Djogbénou et Luc Sètondji Atrokpo. Tour d’horizon des forces et faiblesses de ces prétendants au trône.
Le suspense reste entier. Dans les cercles du pouvoir, c’est la veillée d’armes. Les ambitions s’affûtent, les alliances se dessinent, et les calculs politiques se multiplient. La mouvance présidentielle est en ébullition, suspendue au moindre signe du président sortant. Qui aura la faveur de l’homme fort du Bénin ? Qui incarnera la continuité de son œuvre réformatrice sans en trahir l’esprit ? En coulisse, les tractations se poursuivent dans un silence stratégique, mais chacun des trois hommes cités avance ses pions, à sa manière. Le compte à rebours est lancé.
*Romuald Wadagni : le technocrate au profil présidentiel*

Ministre de l’Économie et des Finances depuis 2016, Romuald Wadagni a traversé les deux quinquennats de Patrice Talon sans être ébranlé. Ce proche parmi les proches du président est un pilier du système Talon. Avant même l’arrivée de ce dernier au pouvoir, il faisait déjà partie de son cercle restreint. Il détient aujourd’hui un portefeuille ministériel stratégique, au cœur de toutes les grandes réformes économiques du pays.
Son expertise, sa rigueur et sa connaissance fine des grands dossiers nationaux font de lui un technocrate redoutablement compétent. En matière de maîtrise des enjeux économiques, il surclasse largement ses concurrents. Il dispose également des ressources matérielles et relationnelles pour affronter une élection nationale.
Mais Romuald Wadagni traîne une faiblesse majeure : il est peu présent sur le terrain politique. Sa popularité reste faible, malgré une solide réputation dans les cercles de l’élite. Jamais élu, il devra s’investir fortement pour aller à la conquête du peuple. Son défi sera d’adopter un discours politique rassembleur, au-delà des technocraties et des bilans comptables.
Joseph Djogbénou : le juriste politique controversé


Ancien ministre de la Justice, ancien président de la Cour constitutionnelle et actuel président du parti Union Progressiste le Renouveau (UPR), Joseph Djogbénou a un CV politique impressionnant. C’est sans conteste l’un des hommes les plus influents du système Talon, architecte des grandes réformes institutionnelles et partisanes. Charismatique, excellent orateur, il maîtrise le langage politique et juridique avec brio. Son ascension rapide dans les sphères du pouvoir témoigne de son intelligence tactique et de sa proximité avec le chef de l’État.
Mais son image reste entachée par les critiques. Il est souvent considéré comme l’un des artisans de la réforme du système partisan, laquelle a été perçue comme excluante et controversée. Son nom est associé à la fameuse « politique de la ruse et de la rage », une formule qui continue de lui coller à la peau. Pour une partie de l’opinion publique, il représente une figure clivante, parfois perçue comme trop stratège et peu rassembleuse.
Luc Sètondji Atrokpo : l’homme de terrain populaire

Actuel maire de Cotonou après avoir dirigé la ville de Bohicon, Luc Sètondji Atrokpo est un élu de terrain. Son parcours est marqué par une proximité constante avec les populations. Président de l’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) pendant plusieurs années, il a sillonné le pays, tissant des liens solides à l’intérieur comme à l’international. Sa double légitimité électorale dans deux grandes villes du Bénin constitue un atout majeur. Cotonou, cœur économique du pays, pourrait être un puissant levier électoral.
Toutefois, des interrogations subsistent sur sa capacité à supporter le poids logistique et financier d’une campagne présidentielle. La politique au Bénin est aussi une affaire de moyens, et sur ce terrain, Atrokpo ne boxe pas dans la même catégorie que ses deux concurrents directs. Ses ennuis de santé passés, bien que surmontés, pourraient aussi inquiéter certains électeurs.
*Un choix cornélien pour Patrice Talon*
Face à ces trois profils aussi différents que complémentaires, le choix du président Patrice Talon ne sera pas aisé. Entre le technocrate discret, le juriste stratège et l’élu populaire, chacun incarne une vision différente de la succession. Talon devra arbitrer entre continuité technocratique, solidité politique ou légitimité populaire.
Quel que soit le choix final, il devra tenir compte des forces et faiblesses de ses prétendants, ainsi que de la capacité de celui-ci à porter son héritage sans trahir sa philosophie. Car plus qu’un simple successeur, c’est un garant de l’après-Talon qu’il faudra désigner. Et ce pari, dans un contexte politique encore sensible, ne tolérera aucun faux pas.
Boris MAHOUTO