Dans les années 1950-1970, le panafricanisme était le flambeau des luttes anticoloniales et de la quête d’une unité africaine. Des figures emblématiques comme Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Modibo Keïta ou encore Thomas Sankara ont incarné cet idéal, prônant l’émancipation politique, économique et culturelle du continent. Mais aujourd’hui, l’enthousiasme des premières décennies semble s’être estompé. Pourquoi les dirigeants actuels ne portent-ils plus avec ferveur cette vision autrefois galvanisante ?
L’un des principaux obstacles au panafricanisme moderne réside dans la fragmentation politique et économique du continent. Chaque État défend prioritairement ses intérêts nationaux, souvent au détriment d’une vision collective. L’Union africaine, censée incarner cette unité, peine à imposer une politique commune forte. Contrairement aux premières décennies post-indépendance, où la coopération était portée par un souffle idéologique, les choix stratégiques actuels sont dominés par le pragmatisme économique et les enjeux de pouvoir. L’unité rêvée cède la place aux intérêts nationaux.

Une dépendance toujours présente
L’un des paradoxes du rejet du panafricanisme par certains dirigeants est leur dépendance aux anciennes puissances coloniales et aux nouvelles influences comme la Chine, la Russie ou les États du Golfe. Les accords économiques et militaires conclus avec ces puissances limitent l’élan d’une indépendance africaine pleine et entière. Les élites politiques, souvent formées dans des cercles occidentaux, sont davantage tournées vers des relations bilatérales que vers une intégration continentale ambitieuse.
*La peur des dirigeants face à une idéologie émancipatrice*
Le panafricanisme n’est pas qu’un projet d’unité, il est aussi un appel à la souveraineté populaire et à la justice sociale. Or, nombre de dirigeants africains actuels redoutent ces aspirations, qui pourraient remettre en cause leur pouvoir. L’héritage des leaders révolutionnaires comme Sankara ou Lumumba est souvent marginalisé, voire combattu, car il représente une remise en cause des systèmes politiques actuels, parfois marqués par l’autoritarisme et la corruption.

Un idéal toujours vivant malgré tout
Malgré son rejet par les élites, le panafricanisme continue de vivre à travers les peuples. Les nouvelles générations, via les réseaux sociaux et les mobilisations citoyennes, ravivent l’idée d’une Afrique forte et souveraine. Le succès de mouvements comme le franc CFA décolonial, l’essor du commerce intra-africain ou la résurgence de discours identitaires montre que l’idéal panafricaniste reste un levier puissant pour l’avenir du continent. Le rejet du panafricanisme par les dirigeants actuels n’est donc pas synonyme de sa disparition. Il appartient aux peuples de s’approprier cette vision et d’en faire une force politique et économique incontournable.
Eric Ella BEKALÉ