déconnecter pour aimer ?
Ça y est, c’est prouvé : « Facebook occasionne la jalousie et altère le romantisme. »
C’est la conclusion d’une étude très sérieuse menée par deux doctorantes en « cyberpsychologie » d’une université d’Ontario. Elle démontre que plus une personne passe de temps sur le site, plus elle devient méfiante envers sa moitié.
Internet, que l’on présente comme le nouvel éden de l’amour depuis le boom des sites de rencontres, menacerait-il la santé mentale du couple ? Quelques semaines avant la publication de cette étude, un tribunal anglais se penchait sur le premier meurtre motivé par Facebook.
Edward Richardson, 41 ans, a été condamné à la prison à vie pour avoir tué sa femme, dont il venait de se séparer, parce qu’elle était passée de « mariée » à « célibataire » sur Facebook.
EMBROUILLES MATRIMONIALES
Embrouilles matrimoniales Sans entraîner de tels extrêmes, Internet offre sans doute un terrain fertile aux embrouilles matrimoniales. Il y a, depuis l’existence des mails, la possibilité de partager en un clic avec le reste du monde des informations et photos capables de causer beaucoup de torts à un ex-partenaire. Laure Manaudou en sait quelque chose. Mais cette menace n’est rien à côté de ce que les couples doivent affronter au quotidien. Certes, comme le souligne le psychologue Yann Leroux, auteur du blog www.psyetgeek.com, « grâce à Internet et au mobile, quel que soit l’éloignement de l’autre, il est possible de l’atteindre instantanément. On l’imagine alors, ailleurs, touché par une émotion ou une excitation qui devient partagée ». Mais cette instantanéité a son versant parano.
Combien de couples se sont-ils déchirés pour un Texto laissé sans réponse ?
« Depuis que Tom est parti en stage à Londres, on se parle chaque soir sur Skype (ndlr : téléphone par Internet permettant l’utilisation d’une webcam), explique Chloé, 23 ans. A chaque fois que je le vois connecté à Skype, je sais qu’il est chez lui. Hier soir, je l’ai appelé et il n’a pas répondu. J’ai tout imaginé : qu’il était avec une autre, qu’il ne m’aimait plus… Je n’ai pas dormi de la nuit. En fait, il était sorti en laissant son ordinateur allumé. »
L’ORDI, NID DE TOUS LES FANTASMES
L’ordi, nid de tous les fantasmes L’ordinateur est devenu le nid de tous les fantasmes, des plus doux aux plus inquiétants. D’autant plus que si l’élu de notre coeur peut nous atteindre en un instant, les autres, tous les autres, ne sont pas loin non plus.
Depuis l’avènement des sites communautaires, il est plus facile de glisser deux mots à un ex ou à un inconnu, et les menaces d’adultère, virtuel ou réel, se multiplient. Certains ne voient qu’une seule façon de riposter : l’espionnage en ligne. De l’interception de mails au traquage de profil, Internet est devenu le paradis du flicage.
« UNE SOCIÉTÉ DE SURVEILLANCE »
« Une société de surveillance » « Internet développe une société de surveillance de chacun par chacun, parents et enfants, employeurs et employés, et conjoints entre eux, affirme le psychiatre Serge Tisseron, auteur de “Virtuel, mon amour” (Albin Michel). C’est un phénomène dangereux, car il est avéré que plus on surveille l’autre, plus on a de raisons de s’inquiéter. On finit toujours par trouver quelque chose. Un autre problème se pose : comment en parler à l’autre ? »
Amalia, 28 ans, vient de découvrir dans l’ordinateur de son petit ami qu’il fréquentait des sites « coquins ». « Je me sens si coupable d’avoir fouillé que je ne sais pas comment lui en parler, se lamente-t-elle. Alors, j’attends qu’il se trahisse. Pendant ce temps, je repense aux conversations cochonnes que j’ai lues, ça me dégoûte, je ne veux plus qu’il me touche. »
MESSAGES COMPROMETTANTS
Messages compromettants « Il y a un côté très violent dans les échanges interceptés sur Internet, reconnaît la psychanalyste Sophie Cadalen, auteure de “Toi Mars, Moi Vénus“ (Leduc.s Editions). Mais ce qui est intéressant, c’est le fait de laisser ainsi traîner des messages compromettants. Quand on a l’imprudence de ne pas effacer des choses aussi explicites, c’est qu’on a quelque part envie d’être démasqué. » Pour la psychanalyste, qui voit passer de nombreux cyber-drames sur son divan, Internet ne fait qu’exacerber les failles des uns et des autres. « Ceux qui fliquaient déjà leur conjoint verront dans Internet un outil idéal, explique-t-elle. Les paranos détruiront systématiquement les messages, et ceux qui portent beaucoup d’attention au regard des autres auront tendance à se livrer en pâture. »
LE COUP DU « FAUX PROFIL »
Le coup du « faux profil » Le problème, c’est que les possibilités offertes par Facebook sont grisantes. C’est ainsi que le coup du « faux profil » visant à tester son partenaire est devenu un classique du marivaudage au XXIe siècle. Il suffit d’un rien : une photo chopée sur Google, un nom inventé et un message alléchant. « Ce genre de petit jeu peut permettre à un couple de se redécouvrir, nuance Serge Tisseron. Mais cela peut se terminer très mal. »
Marianne, 32 ans, qui a depuis fermé son profil, confirme : « Quand j’ai lu le message de ce mannequin, j’ai d’abord éclaté de rire ! se souvient-elle. Je n’avais aucune intention de me lancer dans un flirt virtuel, mais il était si touchant que je lui ai répondu un truc gentil. L’échange s’est poursuivi, je ne faisais que jouer, jamais je n’ai pensé concrétiser la rencontre. » Mais, quand elle réalise que, derrière le profil du beau gosse, se cache son fiancé, Marianne ne fait pas la fière. « Le plus terrible, c’est que je me suis sentie coupable, alors que c’est lui qui a agi comme un psychopathe ! » Résultat : une histoire de trois ans qui vole en éclats.
ADULTÈRE VIRTUEL
Adultère virtuel Qu’un adultère virtuel prenne un poids aussi lourd que s’il était réel, passe encore. Mais que penser de la fille qui pleure parce que l’homme avec qui elle sort depuis deux jours n’a toujours pas coché la case « en couple » sur son statut Facebook ? Internet oblige à offrir aux autres les aspects intimes de sa vie. Le monde entier devient spectateur de la relation. « C’est ce qui m’a dégoûté au point de supprimer mon profil, explique l’écrivain Frédéric Beigbeder, auteur d’une colonne brûlante contre Facebook dans “Voici”. Ce site exploite la faille narcissique des gens, et l’on se retrouve à exposer nos comportements intimes. Tout ça pour que Facebook revende, très cher, les infos à des publicitaires. C’est une mine d’or, tout y est : âge, profession, préférences sexuelles, politiques et religieuses…
Facebook a donné naissance à un exhibitionnisme que même Orwell n’avait pas imaginé. Personne ne nous force, nous donnons ces infos de manière délibérée. J’ai peur de ce que cela va impliquer pour les générations à venir. »
« LE MONDE DU MENSONGE ET DU JEU »
« Le monde du mensonge et du jeu » Qu’on se rassure, nos ados s’adaptent. Quand les adultes ne vivent que dans deux dimensions, le réel et l’imaginé, les enfants nés après 1990 semblent développer une troisième dimension : le virtuel. « Les ados sont plus pragmatiques que les adultes pour distinguer le réel du virtuel et s’en sortent donc mieux, conclut Serge Tisseron. Car le vrai danger du Net, c’est de croire que les règles en vigueur dans le réel le sont aussi dans le virtuel.
Sur Internet, on tape sur un clavier comme on tape un roman. L’authenticité n’a pas sa place, on est dans le monde du mensonge et du jeu. » Autrement dit, la prochaine fois que vous intercepterez un mail douteux sur la messagerie de votre amoureux, essayez de lui parler « en vrai » avant d’envoyer le Texto « C fini ».