Romuald Wadagni n’a pas encore franchi les marches du palais présidentiel, mais déjà les spéculations se multiplient autour de son avenir politique. Investi candidat de la mouvance présidentielle pour l’élection de 2026, l’actuel ministre d’État en charge de l’Économie et des Finances porte à la fois l’espoir d’une continuité et le poids d’une interrogation majeure : sera-t-il un président autonome, capable d’imprimer sa propre marque à la gouvernance, ou un exécutant discret dans l’ombre du président sortant, Patrice Talon ?
Un choix inédit et lourd de symboles
C’est une première dans l’histoire démocratique du Bénin. Rarement un candidat aura été aussi clairement désigné par le pouvoir en place, sans véritable compétition interne ni suspense. Romuald Wadagni, technocrate reconnu, est salué pour son parcours et sa maîtrise des dossiers économiques.
Mais derrière les félicitations, une question traverse la société civile, l’opposition et même certains cercles de la mouvance : sera-t-il véritablement « le président du Bénin » ou simplement le prolongement politique de son mentor ?
La continuité… et ses limites
Le discours officiel insiste sur la continuité. Wadagni incarne le sérieux budgétaire, la discipline fiscale et la vision modernisatrice qui ont marqué les deux mandats de Patrice Talon. Ses partisans y voient un gage de stabilité et de crédibilité auprès des partenaires internationaux. Mais à trop se présenter comme le garant d’un héritage, ne court-il pas le risque d’être perçu comme un président « béni oui oui », incapable de rompre avec le style hyper-présidentialiste de son prédécesseur ?
Les supputations de l’opinion
Dans les coulisses, les rumeurs abondent. Certains prédisent qu’une fois au pouvoir, Wadagni ne disposera pas de la pleine latitude présidentielle, Talon continuant de tirer les ficelles en sous-main.
D’autres estiment au contraire que le jeune technocrate pourrait surprendre en affirmant sa personnalité et en construisant une gouvernance propre, moins verticale, plus ouverte au dialogue politique et social.
« C’est une équation inédite : un président désigné par un président encore influent. Tout dépendra de la capacité de Wadagni à s’émanciper », confie un politologue béninois qui requiert l’anonymat.
Le défi de l’autonomie
Être président, ce n’est pas seulement gérer des finances publiques ou superviser des réformes. C’est arbitrer, écouter, trancher, parfois contre ses propres alliés. Le vrai défi de Wadagni sera donc de prouver qu’il peut porter seul l’autorité de l’État, qu’il saura inventer une gouvernance qui lui ressemble, et non simplement reproduire un modèle dicté de l’extérieur.
S’il réussit, il pourrait entrer dans l’histoire comme l’homme qui a su transformer une désignation contestée en légitimité populaire. S’il échoue, il risque d’incarner l’image d’un président « par procuration », sans véritable empreinte.
Une campagne pleine d’incertitudes
À quelques mois du scrutin, le duel entre perception et réalité ne fait que commencer. Romuald Wadagni devra convaincre au-delà de sa compétence technique. Il devra rassurer sur son indépendance, sur sa capacité à rassembler et surtout sur sa volonté d’écrire une nouvelle page de la démocratie béninoise.
L’élection de 2026 s’annonce donc comme un test grandeur nature : celui de savoir si le Bénin élira un président de transition sous tutelle ou un chef d’État pleinement en charge de son destin et de celui du pays.
Boris MAHOUTO