La révision constitutionnelle au Bénin est désormais une réalité juridique et politique. Promulguée ce mercredi 17 décembre 2025 par le président de la République, Patrice Talon, après sa validation par la Cour constitutionnelle, la nouvelle Loi fondamentale entre officiellement en vigueur. Ce texte amendé introduit des changements institutionnels majeurs qui redessinent en profondeur l’architecture politique et administrative du pays.
Parmi les réformes les plus significatives figure l’allongement de la durée des mandats électifs. Désormais, le mandat du Président de la République, des députés à l’Assemblée nationale ainsi que des maires et conseillers communaux passe de cinq à sept ans. Selon les promoteurs de la réforme, cette mesure vise à offrir une plus grande stabilité institutionnelle et à inscrire l’action publique dans des cycles de développement plus longs, jugés plus compatibles avec les réalités économiques et sociales du pays. Toutefois, cette disposition continue de susciter des débats au sein de l’opinion publique et de la classe politique, certains y voyant un risque pour la dynamique de l’alternance démocratique.
Un mandat présidentiel encadré et limité dans le temps
La fonction présidentielle connaît une évolution majeure. L’article 42 modifié de la Constitution dispose désormais que « le Président de la République est élu pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois ». Une clause fondamentale est introduite : nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels dans sa vie. Cette disposition est présentée comme une garantie contre toute présidence à vie et comme un verrou constitutionnel destiné à préserver l’esprit républicain.
L’avènement d’un Parlement bicaméral
Autre innovation majeure : l’instauration d’un Parlement bicaméral. Aux côtés de l’Assemblée nationale est désormais créé un Sénat, marquant une rupture avec le système monocaméral en vigueur depuis l’adoption de la Constitution de 1990. Conformément aux articles 79 et 80 modifiés, le pouvoir législatif sera exercé conjointement par ces deux chambres.

Si les modalités précises de composition, de désignation et de fonctionnement du Sénat seront définies par des lois organiques ultérieures, cette nouvelle institution est présentée comme un organe de régulation et de pondération du travail législatif. Les lois votées par l’Assemblée nationale lui seront transmises simultanément avec le Président de la République, faisant du Sénat un acteur clé du processus législatif.
Le Sénat, gardien de la stabilité nationale
Selon l’article 113.1 de la Constitution révisée, le Sénat a pour mission de contribuer à la sauvegarde et au renforcement des acquis de l’unité nationale, du développement, de la sécurité et de la démocratie. Ses défenseurs estiment qu’il permettra une meilleure représentation des territoires, une réflexion plus approfondie sur les textes de loi et un renforcement de l’équilibre institutionnel.
Discipline partisane et réformes politiques
La réforme constitutionnelle renforce également la discipline politique. Les députés de l’Assemblée nationale, élus pour un mandat de sept ans renouvelable, perdent automatiquement leur mandat s’ils quittent le parti politique sous la bannière duquel ils ont été élus. Cette disposition vise à consolider le système partisan et à limiter le nomadisme politique, souvent critiqué dans le passé.
Une trêve politique post-électorale
Autre innovation notable : l’instauration d’une trêve politique à l’issue de chaque élection présidentielle. Ce mécanisme a pour objectif de réduire les tensions post-électorales, de favoriser l’apaisement du climat politique et de permettre aux institutions de se consacrer pleinement à la gestion des affaires publiques, sans confrontations partisanes immédiates.
Une réforme qui s’étend jusqu’aux collectivités locales
La révision constitutionnelle ne se limite pas au sommet de l’État. Elle concerne également les collectivités territoriales, avec l’allongement à sept ans du mandat des maires et des conseillers communaux. Cette harmonisation des durées de mandat entre le niveau national et local vise à assurer une meilleure cohérence dans la planification et l’exécution des politiques publiques.
Un tournant institutionnel aux effets attendus
Avec cette réforme d’envergure, le Bénin s’engage dans une nouvelle phase de son histoire institutionnelle. Ses partisans y voient un cadre propice à la stabilité, à l’efficacité de l’action publique et au renforcement des institutions. Ses détracteurs, eux, appellent à une vigilance accrue quant à ses implications sur la vitalité démocratique et l’alternance politique.
Les prochains mois seront décisifs, notamment avec la mise en place effective du Sénat et l’adoption des lois organiques nécessaires. C’est à l’épreuve de la pratique que cette nouvelle Constitution révélera pleinement sa portée et ses limites.
CMM