Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a signé un décret important visant à restructurer en profondeur l’organisation de la Primature. Rendu public le jeudi 4 décembre, ce texte ambitionne officiellement de renforcer l’efficacité de l’action gouvernementale en dotant le Premier ministre de moyens supplémentaires pour coordonner et piloter l’appareil exécutif.
Cette décision intervient dans un climat politique particulièrement sensible, marqué par des tensions perceptibles au sommet de l’État. Depuis plusieurs semaines, des signaux de froideur entre le chef de l’État et son Premier ministre, Ousmane Sonko, alimentent spéculations, analyses et commentaires dans l’espace public. Dans ce contexte, la publication du décret a immédiatement suscité une vague de réactions au sein de la classe politique, de la presse nationale et sur les réseaux sociaux.
Pour de nombreux observateurs, ce décret apparaît comme un renforcement de la position du Premier ministre. Certains analystes estiment qu’Ousmane Sonko bénéficie désormais d’une marge de manœuvre plus large dans la conduite des affaires gouvernementales. Du côté des militants du parti Pastef, la lecture est encore plus politique : beaucoup y voient une forme de « victoire » de leur leader dans le rapport de force qui l’oppose au président, un bras de fer devenu visible un mois plus tôt autour du leadership de la coalition « Diomaye Président ».
Sur le plan institutionnel, le texte introduit plusieurs changements notables. Il prévoit notamment le renforcement de l’organigramme de la Primature avec la création de nouveaux postes stratégiques : un directeur de cabinet adjoint du Premier ministre ; un secrétaire d’État chargé des relations avec les institutions, cumulant la fonction de porte-parole du gouvernement ; la possibilité de mobiliser davantage de conseillers techniques autour du chef du gouvernement.
Le décret crée également une cellule spéciale dédiée à la préparation des Conseils des ministres, une innovation qui vise à améliorer la coordination, l’anticipation et la cohérence des décisions gouvernementales. Cependant, plusieurs universitaires et spécialistes du droit constitutionnel et de la science politique relativisent la portée politique de cette réforme. Selon eux, il s’agit avant tout d’une réorganisation administrative interne, destinée à améliorer les outils de travail du Premier ministre sans pour autant modifier l’équilibre des pouvoirs prévu par la Constitution.
« Ce texte ne change pas la nature du régime. Il ne transfère aucune prérogative présidentielle vers la Primature. C’est avant tout un geste d’apaisement », estime un chercheur en sciences politiques. Pour lui, le président Diomaye Faye envoie un signal d’ouverture en acceptant de consolider les moyens du Premier ministre, tout en conservant l’intégralité de ses prérogatives constitutionnelles.
En définitive, ce décret apparaît comme un compromis politique et administratif, destiné à stabiliser le fonctionnement de l’exécutif dans une période marquée par des tensions internes, tout en maintenant l’architecture institutionnelle intacte. Reste à savoir si cette réorganisation permettra réellement de décrisper les relations au sommet de l’État et de garantir une action gouvernementale plus efficace dans les mois à venir.
CMM