La Cour constitutionnelle du Bénin entre dans une nouvelle ère. Réunis en séance plénière le mercredi 9 juillet 2025, les députés de l’Assemblée nationale ont adopté des modifications importantes à la loi organique régissant l’institution. L’un des changements majeurs apportés concerne l’instauration d’un mécanisme de filtrage des recours, une mesure inédite qui vise à rationaliser le fonctionnement de la haute juridiction.
Un filtre pour éviter l’encombrement
Jusqu’ici, tout citoyen béninois pouvait librement saisir la Cour constitutionnelle, sans formalité préalable d’examen ou de validation. Mais cette ouverture, bien que garante de la vitalité démocratique, entraînait selon les autorités judiciaires un afflux de requêtes souvent fantaisistes, redondantes ou manifestement irrecevables, ralentissant ainsi le traitement des affaires d’intérêt constitutionnel majeur. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a soumis un projet de loi modifiant et complétant la loi n°2022-09 du 27 juin 2022 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle. Le texte a été adopté à l’unanimité des députés présents.
Une procédure désormais encadrée
Selon les nouvelles dispositions, chaque recours adressé à la Cour fera désormais l’objet d’un examen préalable par un rapporteur désigné par le président de la Cour. Ce rapporteur devra analyser la compétence de la juridiction ainsi que la recevabilité formelle et matérielle du recours, avant que l’affaire ne soit éventuellement inscrite au rôle de la Cour. Concrètement, seules les affaires répondant strictement aux critères constitutionnels et juridiques requis seront retenues pour instruction. Il ne s’agit donc pas de limiter l’accès des citoyens à la Cour, mais d’assainir et d’optimiser le flux des dossiers.
Des garanties constitutionnelles préservées
Face aux préoccupations de certains députés, soucieux de préserver le droit fondamental de saisine directe garanti par la Constitution, le ministre de la Justice, Yvon Détchénou, a tenu à rassurer. Il a affirmé que « le droit de tout citoyen de saisir directement la Cour constitutionnelle reste intangible », mais que « cette liberté doit s’exercer dans un cadre cohérent, respectueux de la mission spécifique de la Cour ». Pour lui, cette réforme ne constitue en rien une entrave, mais plutôt un outil de gouvernance judiciaire efficace, permettant de concentrer l’attention de la haute juridiction sur les questions véritablement constitutionnelles, dans l’intérêt de l’État de droit.
Des articles modifiés pour une justice constitutionnelle renforcée
La réforme législative touche plusieurs articles clés de la loi organique. Les articles 27, 28, 29, 37, 40 et 86 ont été révisés, tandis que de nouvelles dispositions ont été introduites dans les articles 29.1 et 37-1, afin d’adapter la loi à cette nouvelle dynamique procédurale. Il s’agit notamment de clarifier le rôle du rapporteur, de préciser les délais de traitement, et d’assurer un filtrage sans abus ni subjectivité. Le processus devra se dérouler dans la transparence, la rigueur juridique et le respect des droits des requérants.
Une réforme à surveiller de près
Alors que le Bénin se prépare à de grandes échéances politiques, notamment les élections générales de 2026, cette réforme pourrait avoir un impact important sur les litiges électoraux ou constitutionnels à venir. Elle ouvre aussi un débat plus large sur l’équilibre entre accessibilité de la justice et efficacité des institutions.
Reste à voir comment ce mécanisme de filtrage sera appliqué dans les faits, et si la confiance des citoyens envers la Cour constitutionnelle, souvent perçue comme le dernier rempart contre les dérives institutionnelles, sera renforcée ou érodée par cette innovation juridique.
Boris MAHOUTO