La cérémonie d’investiture du candidat de la mouvance présidentielle, Romuald Wadagni, a été marquée par un détail qui n’a échappé à personne : l’absence remarquée de certaines figures politiques majeures de la scène nationale. Alors que les soutiens habituels de la majorité présidentielle ont affiché leur présence et leur enthousiasme, trois grands noms de la politique béninoise ont brillé par leur silence et leur retrait : Adrien Houngbèdji, Bruno Amoussou et Nicéphore Soglo.
Un rendez-vous attendu, mais pas consensuel
Le discours de Romuald Wadagni, centré sur la jeunesse et l’unité nationale, se voulait rassembleur. Pourtant, la solennité de l’événement n’a pas suffi à faire venir ces poids lourds politiques dont la parole et la présence restent encore influentes dans l’opinion publique. Beaucoup y voient un signe de méfiance, voire de désapprobation tacite, vis-à-vis de la désignation du ministre des Finances comme porte-étendard de la mouvance présidentielle.
Adrien Houngbèdji, le silence d’un vétéran
Ancien président de l’Assemblée nationale et leader historique du Parti du Renouveau Démocratique (PRD), Adrien Houngbèdji a toujours joué un rôle charnière dans les grandes échéances politiques du pays. Son absence est interprétée comme une marque de distance vis-à-vis du choix de la mouvance. Certains observateurs estiment qu’il s’agit là d’un signe de prudence politique, Houngbèdji préférant garder ses distances dans un contexte électoral tendu. On se souvient encore, comme si c’était hier, de son plaidoyer pour la libération des détenus politiques et le retour au pays des exilés. Un discours mal accueilli au sein de la mouvance présidentielle dont son parti PRD s’est pourtant affilié.
Bruno Amoussou, le stratège en retrait
Figure tutélaire de l’Union Progressiste, Bruno Amoussou a longtemps été l’un des piliers de la majorité présidentielle. Mais depuis qu’il s’est officiellement retiré de la vie politique active, ses prises de position se font rares. Son absence à Parakou n’en est pas moins significative : elle illustre, selon des analystes, un certain malaise au sein même de la mouvance où toutes les sensibilités ne semblent pas totalement acquises à la candidature Wadagni.
Nicéphore Soglo, le grand absent au nom du peuple ?
Ancien président de la République et patriarche de la démocratie béninoise, Nicéphore Soglo reste une voix forte, notamment sur les questions de gouvernance et d’unité nationale. Son absence a été particulièrement commentée, d’autant que Soglo n’a cessé de dénoncer les dérives du système politique actuel : restriction des libertés, exil forcé d’opposants, verrouillage du jeu démocratique. Pour beaucoup, son silence en dit long sur la fracture qui persiste entre l’ancienne garde démocratique et la mouvance présidentielle.
Une investiture sous ombres et questionnements
Si l’investiture de Romuald Wadagni a été saluée par les partisans de la continuité, elle révèle aussi, par ces absences, les lignes de fracture de la classe politique béninoise. Alors que le candidat promet une gouvernance ouverte et inclusive, la non-présence de ces figures historiques sonne comme un avertissement : l’unité nationale ne se décrète pas dans les discours, elle se construit dans l’inclusion, le dialogue et la réconciliation.
L’avenir dira si Romuald Wadagni saura convaincre au-delà de son camp, et rallier à sa cause ceux qui, par choix ou par conviction, préfèrent pour l’instant garder leurs distances.
Boris MAHOUTO