Après les FCBE : Boni Yayi va-t-il être poussé vers la sortie du parti Les Démocrates ?

L’histoire semble vouloir se répéter. Après avoir été contraint de quitter les Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE), le parti qu’il avait fondé et conduit au pouvoir, Boni Yayi est aujourd’hui rattrapé par les mêmes démons de division et de mécontentement au sein du parti Les Démocrates (LD). De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer sa gestion jugée clanique et autoritaire, pointée comme la principale cause des défections en série qui secouent actuellement la principale formation de l’opposition béninoise. »

L’ancien président béninois Boni Yayi, figure emblématique de la scène politique nationale depuis plus de deux décennies, se retrouve une fois encore au centre de toutes les spéculations. Après avoir quitté son premier parti, les Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE), qu’il avait lui-même fondé et conduit au pouvoir, l’homme semble désormais en froid avec sa seconde formation politique, Les Démocrates (LD). Une question hante donc les esprits : Boni Yayi va-t-il tourner le dos, une nouvelle fois, à son propre parti, au regard des turbulences observées ?

Une gestion controversée à la tête des Démocrates

Au sein du parti Les Démocrates, la contestation gronde. Défections de députés, rivalités internes, luttes d’influence, frustrations étouffées : la machine Yayi semble s’enrayer. Depuis quelques heures, six députés LD ont claqué la porte du groupe parlementaire, dénonçant implicitement une gouvernance verrouillée et une absence de concertation dans la prise des décisions majeures.

Pour plusieurs cadres, Boni Yayi gère le parti comme une propriété personnelle, où la parole du président vaut loi, où la critique est perçue comme une trahison, et où le consensus est souvent sacrifié sur l’autel de la fidélité clanique. « Le parti Les Démocrates ne respire plus », confie un membre du bureau politique sous anonymat. « Tout tourne autour d’un cercle restreint, proche du fondateur. Ceux qui osent donner un avis différent sont marginalisés. » Derrière ces turbulences, plusieurs cadres pointent du doigt le manque de communication interne, les luttes d’ego et une direction politique jugée floue.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets

Cette situation n’est pas sans rappeler le précédent douloureux de 2016 au sein des FCBE, lorsque le parti avait éclaté à la suite de désaccords sur la désignation de Lionel Zinsou comme candidat à la présidentielle. À l’époque, de nombreux cadres, estimant que la décision avait été imposée sans consultation, avaient claqué la porte, provoquant l’affaiblissement du parti et son effondrement aux élections suivantes.

En 2019, il avait quitté les FCBE, son parti de toujours, après des désaccords sur la ligne politique à suivre et la composition des instances dirigeantes. Quelques mois plus tard, il avait apporté son parrainage à la création du parti Les Démocrates, perçu alors comme le renouveau de l’opposition béninoise. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter. Les mêmes travers ressurgissent : centralisation du pouvoir, décisions unilatérales, méfiance envers les nouvelles figures, et absence de mécanismes internes de régulation.

Pour plusieurs observateurs, la gestion actuelle de Boni Yayi reproduit les erreurs du passé, et pourrait bien conduire à un nouveau schisme dans l’opposition. « Les mêmes causes produisent les mêmes effets », résume un analyste politique. « Et si rien ne change, il risque cette fois d’être poussé vers la sortie, non plus par ses adversaires, mais par ses propres compagnons. »

Boni Yayi, entre déception et désillusion

Selon plusieurs sources proches de l’ancien président, Boni Yayi serait profondément déçu du fonctionnement interne du parti Les Démocrates. Lui qui rêvait d’une opposition forte, disciplinée et porteuse d’un projet crédible pour le peuple béninois, constaterait aujourd’hui une dérive vers les querelles intestines et les ambitions personnelles.

Son ambition initiale – rassembler les forces progressistes autour d’un idéal de refondation nationale – semble se heurter à la réalité d’une opposition éclatée, divisée, et sans boussole. « Yayi voulait un parti de principes, pas un instrument de revanche politique », explique un proche collaborateur. « Aujourd’hui, il voit un champ de bataille où chacun tire dans sa direction. »

Un homme de convictions, mais usé par les luttes internes

Depuis son retrait du pouvoir en 2016, Boni Yayi s’était voulu rassembleur. Mais sa volonté de garder la mainmise sur la direction du parti a fini par cristalliser les frustrations. Ses rapports avec plusieurs figures influentes de la formation se sont détériorés, notamment à propos de la stratégie électorale, de la désignation des représentants dans le cadre des élections générales de 2026, ou encore de la ligne à tenir face au pouvoir en place.

Des rumeurs insistantes évoquent désormais une fronde silencieuse au sein même du parti, visant à réduire l’influence du fondateur, voire à le pousser vers la porte de sortie. Certains cadres estiment que l’heure est venue de renouveler la direction pour redonner au parti une crédibilité perdue.

Les Démocrates sans Yayi : entre survie et recomposition

Le départ de Boni Yayi, s’il venait à se produire, serait un séisme politique. L’ancien président demeure la figure tutélaire du parti, son principal symbole d’unité et sa source de légitimité. Mais paradoxalement, son autorité serait devenue un frein à la démocratisation interne du parti. Les démissions successives de députés et la grogne des militants montrent que Les Démocrates risquent de s’effondrer sous le poids de leur propre leader, si un compromis n’est pas rapidement trouvé.

Boni Yayi, l’homme des recommencements

L’ancien président n’en est pas à son premier tournant politique. Après avoir quitté les FCBE en 2019, il avait parrainé la création du parti Les Démocrates, dans l’espoir de rebâtir une opposition crédible.
Mais six ans plus tard, le scénario semble identique : divisions internes, départs en cascade, crise de leadership. À 73 ans, Boni Yayi donne l’impression d’un homme lassé des querelles politiciennes, mais prisonnier de son propre héritage.

Et maintenant ? Retrait ou nouvel élan ?

Va-t-il, cette fois, jeter l’éponge ou préparer un nouveau départ ? Les paris sont ouverts. Certains proches évoquent la possibilité qu’il s’oriente vers un mouvement citoyen plus souple et apolitique, centré sur la refondation morale et la réconciliation nationale. D’autres pensent qu’il restera jusqu’au bout, au risque de provoquer une rupture irréversible au sein des Démocrates.

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : Boni Yayi n’a jamais laissé indifférent. Et si l’ancien président devait, une nouvelle fois, être poussé vers la sortie, ce serait la fin d’un cycle, mais peut-être aussi le début d’un autre combat – celui de la régénération d’une opposition en quête de repères.

Boris MAHOUTO

Partager
Suivre :
Administrateur Général Adjoint de Cloche media monde