La juridiction communautaire ouest-africaine a épinglé l’État béninois pour plusieurs violations des droits fondamentaux de Nura Aliyu, un commerçant nigérian interpellé et détenu dans des conditions jugées illégales. L’affaire relance le débat sur le respect des droits humains et des engagements internationaux du Bénin.
Dans un arrêt rendu public le 13 mai 2025, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a condamné l’État béninois à verser 20 000 dollars américains (environ 11 millions de FCFA) à Nura Aliyu, ressortissant nigérian, pour violation de ses droits fondamentaux. L’affaire, introduite le 12 octobre 2023 sous le numéro ECW/CCJ/APP/43/23, s’est soldée par l’arrêt n° ECW/CCJ/JUD/27/25, qui reconnaît notamment l’arrestation et la détention arbitraires, ainsi que la confiscation illégale de biens.

Un commerçant victime d’abus policiers
Nura Aliyu, commerçant nigérian établi au Bénin, avait saisi la Cour communautaire après avoir été arrêté sans mandat ni base légale valable à la suite d’un différend commercial. Selon les éléments du dossier, il a été détenu pendant six jours par des agents de la police béninoise, sans être présenté à un juge, et aurait subi au cours de cette détention des violences physiques, des extorsions et des traitements dégradants. Son véhicule personnel aurait également été saisi sans qu’aucune procédure judiciaire régulière n’ait été enclenchée.
Malgré les notifications régulières de la Cour, les autorités béninoises n’ont pas daigné présenter de mémoire en défense, ce qui a conduit la juridiction à statuer par défaut, conformément aux dispositions de son règlement.
*Une série de violations reconnues*
Dans sa décision, la Cour a confirmé sa compétence à juger l’affaire et a déclaré la requête recevable. Sur le fond, elle a retenu la violation du droit à la liberté tel que garanti par l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’une atteinte au droit de propriété. En revanche, faute de preuves suffisantes, la Cour n’a pas retenu la violation de la dignité humaine. L’État béninois est donc condamné à verser 20 000 dollars US à Nura Aliyu, à titre de réparation pour le préjudice subi.
*Un rappel à l’ordre pour l’État de droit*
Cette décision intervient dans un contexte où le Bénin, naguère salué comme un exemple de démocratie en Afrique de l’Ouest, fait l’objet de critiques croissantes sur la dégradation de l’État de droit et les abus de pouvoir au sein des forces de sécurité. La condamnation prononcée par la Cour de la CEDEAO envoie un signal fort sur l’obligation des États membres de respecter les normes régionales en matière de droits humains. Elle rappelle également l’importance du rôle de cette juridiction sous-régionale, souvent saisie dans les cas où les recours internes s’avèrent inefficaces ou inexistants.
*Et après ?*
Reste à savoir si l’État béninois exécutera volontairement cette décision, comme l’y oblige son appartenance à la CEDEAO. Car si la juridiction de la CEDEAO ne dispose pas de moyens contraignants d’exécution, ses arrêts sont censés être obligatoires et leur non-respect expose les États concernés à l’opprobre international et à des sanctions politiques ou diplomatiques.
Pour Nura Aliyu, cette décision représente un pas important vers la reconnaissance de ses droits. Pour la CEDEAO, elle constitue un rappel ferme de ses missions de garant des droits humains dans la sous-région. Pour le Bénin, elle sonne comme un appel à davantage de vigilance dans le respect de ses engagements internationaux.
*La Rédaction*