Depuis quelques mois, les apparitions publiques de Nicéphore Dieudonné Soglo sur les grands chantiers d’infrastructures initiés par le gouvernement de Patrice Talon ne cessent de susciter l’attention. L’ancien président, désormais octogénaire, multiplie les visites officielles, les prises de parole élogieuses, et les gestes d’encouragement vis-à-vis de l’actuel chef de l’État. Un changement de ton qui étonne, interroge, et divise l’opinion.

Faut-il y voir un simple engagement républicain, un patriotisme au-dessus des clivages politiques ? Ou bien s’agit-il d’un repositionnement stratégique d’une figure historique du Bénin, longtemps critique du pouvoir, désormais en phase avec l’agenda présidentiel ?
*Un soutien assumé ?*

Nicéphore Soglo ne cache plus son admiration pour les projets d’infrastructures portés par le régime actuel. Ponts, routes, échangeurs, modernisation urbaine : l’ancien président salue ce qu’il qualifie de « transformation historique du paysage béninois ». Certains y voient une forme de reconnaissance tardive de ce que lui-même avait voulu initier dans les années 90, dans un contexte économique et politique bien plus contraignant. À force de visites de chantiers et d’éloges appuyés, on se demande si Nicéphore Soglo n’a pas troqué son costume d’ancien président pour celui de chef de chantier de la Rupture. Depuis son retour sur la scène politique béninoise, l’ancien président semble se transformer en un expert en infrastructures, scrutant chaque coin et recoin des projets pharaoniques lancés sous le régime de Patrice Talon. Mais derrière ces visites répétées et ses encouragements enthousiastes, une question brûle les lèvres : s’agit-il d’un acte de patriotisme sincère ou d’une manœuvre stratégique visant à se repositionner sur l’échiquier politique ?
L’ex-président, désormais fidèle parmi les fidèles du gouvernement Talon, enchaîne les déplacements sur les chantiers comme si chaque béton coulé était un hommage à son héritage. Le message est clair : Nicéphore Soglo, l’homme des réformes, s’engage à soutenir les projets de la « Rupture », comme si cette dernière était la continuité de son propre rêve de modernisation du pays. Mais à quel prix ? Est-ce un ralliement pragmatique, ou l’ombre de l’ambition personnelle qui se profile derrière chaque salut et chaque poignée de main sur les chantiers ?
Une mémoire politique en quête de continuité ?
Pour ses partisans, ce rapprochement avec le régime Talon n’est ni une compromission ni une soumission, mais plutôt une volonté de servir l’intérêt national au-delà des rivalités partisanes. Soglo, en tant que doyen des anciens chefs d’État béninois encore actifs, serait dans une logique de transmission et de consolidation. Il observerait dans l’œuvre de Talon une poursuite – voire une réhabilitation – de sa propre vision de développement, notamment en matière d’infrastructures et de souveraineté économique.
*Une manœuvre politique déguisée ?*
D’autres, en revanche, y perçoivent une lecture plus cynique. Selon certains analystes, cette posture pourrait bien cacher une stratégie de repositionnement politique, voire une tentative d’influence dans les dynamiques de succession ou de rééquilibrage des forces au sein de la classe dirigeante. Difficile, en effet, d’ignorer le poids symbolique d’un tel soutien venant d’un ancien chef d’État respecté, père d’un ancien maire influent, et figure historique de la démocratie béninoise.

Certains se demandent même si cette proximité avec le pouvoir actuel n’est pas un moyen pour Soglo de retrouver une place sur le devant de la scène politique, après une longue période de retrait. D’autres y voient plutôt une manière subtile de revendiquer son rôle de « père spirituel » d’un régime qu’il n’a cessé de critiquer pendant sa présidence.
Quoi qu’il en soit, l’ancien président semble avoir trouvé son nouveau rôle : celui de conseiller privilégié et d’applaudisseur en chef des grands chantiers de Talon. Une carrière post-présidentielle bien remplie… mais sous quelle direction
*Un signal aux autres anciens ?*
La démarche de Soglo pourrait également être lue comme un message à ses pairs : au lieu de s’enfermer dans l’opposition systématique ou dans le silence, un ancien président peut accompagner, conseiller et soutenir, tout en gardant son indépendance morale. Reste à savoir si ce modèle séduira les autres figures de la scène politique ou s’il restera un cas isolé.
Boris MAHOUTO