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Soldats nord-coréens en Ukraine : la goutte de trop pour la Corée du Sud, qui pourrait enfin armer Kiev
La Corée du Sud exige ce lundi le retrait des troupes de Corée du Nord envoyés en Russie avant de combattre en Ukraine. Une demande rejetée par le Kremlin et qui risque cette fois de convaincre Séoul d’armer l’Ukraine.
Voilà deux ans que la Corée du Sud envisage régulièrement d’aider militairement l’Ukraine. A chaque fois, l’idée est froidement accueillie par la Russie. « Cela détruirait notre relation », avait prévenu Vladimir Poutine en 2022. « Ce serait une grave erreur», avait-il répété en juin 2024. Entre temps, l’ex-président russe Dimitri Medvedev avait menacé d’envoyer des armes avancées à la Corée du Nord. Des menaces efficaces puisque depuis février 2022, la Corée du Sud n’a fourni qu’une aide humanitaire à l’Ukraine ou destinée à la reconstruction du pays après la guerre. Près de 400 millions de dollars en 2024. Mais pas d’armes.
La récente escalade initiée par Moscou pourrait donc avoir des conséquences encore difficiles à cerner. La semaine dernière, les services de renseignements sud-coréens ont révélé que 1 500 soldats des forces spéciales nord-coréennes se trouvent déjà en Russie pour s’acclimater et devraient bientôt se rendre sur le front ukrainien. D’ici la fin de l’année, ce sont environ 12 000 soldats nord-coréens qui seraient déployés.
Les « graves préoccupations » de Séoul
En échange de l’envoi de soldats pour aider la Russie en Ukraine, « Kim Jong Un vise à acquérir des technologies militaires, allant des satellites de surveillance aux sous-marins », souligne Cheong Seong-chang, directeur de la stratégie pour la péninsule coréenne à l’Institut Sejong. Les soldats nord-coréens qui combattront probablement bientôt sur le front ukrainien vont aussi gagner en expérience, les rendant plus efficaces. Cet accord représente donc à terme une menace pour la Corée du Sud, toujours officiellement en état de guerre avec le Nord.
Des chars sud-coréens K2 lors d’un défilé à Séoul le 1er octobre 2024.
Des chars sud-coréens K2 lors d’un défilé à Séoul le 1er octobre 2024. – AFP
La Corée du Sud a donc convoqué lundi l’ambassadeur russe à Séoul pour demander le retrait « immédiat » des soldats envoyés par Pyongyang pour soutenir Moscou dans sa guerre illégale contre l’Ukraine, a annoncé le ministère des Affaires étrangères. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Kim Hong-kyun, a exprimé à Georgui Zinoviev les « graves préoccupations » de Séoul « concernant l’envoi récent de troupes nord-coréennes en Russie et a demandé avec fermeté le retrait immédiat des forces nord-coréennes et la cessation de la coopération dans ce domaine », a déclaré le ministère dans un communiqué.
La fourniture par la Corée du Nord d’armes et de troupes à la Russie pour la guerre en Ukraine « constitue une menace importante pour la sécurité non seulement de la Corée du Sud, mais aussi de la communauté internationale », a-t-il ajouté. Cette menace pourrait-elle enfin convaincre Séoul de s’engager davantage ? Si Vladimir Poutine a tant fait pour dissuader la Corée du Sud de franchir le pas, c’est sans doute parce qu’il sait que cette aide serait cruciale pour l’armée ukrainienne.
Exportateur d’armes en puissance
L’industrie sud-coréenne ne manque en effet pas d’atouts pour renforcer l’armée ukrainienne. Obusiers K9, tanks K2 Black Panther, avions de combat FA-50 mais aussi drones et systèmes de missiles… Ces dernières années, elle a développé de nombreuses armes et ne cesse de monter au classement des plus gros vendeurs militaires de la planète.
Des obusiers de 155 mm sud-coréens K9 lors d’un défilé à Séoul le 1er octobre 2024.
Des obusiers de 155 mm sud-coréens K9 lors d’un défilé à Séoul le 1er octobre 2024. – AFP
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), le pays est passé du 31e au 7e rang mondial entre 2000 et 2020 en termes d’exportations d’équipement militaire. Et Séoul vise la quatrième place en 2027, juste derrière la France. Parmi ses gros clients, la Pologne, qui fait monter en puissance son armée face à une menace russe croissante.
Alors que l’armée ukrainienne est en très grande difficulté sur le front, en pénurie d’hommes et de munitions, il est évident qu’un soutien massif sud-coréen pourrait bouger les lignes. Si Séoul ne cède pas, une fois de plus, à la pression du Kremlin.
Ce lundi soir, plusieurs médias sud-coréens annoncent que Séoul envisagerait d’envoyer des officiers en Ukraine pour conseiller l’armée ukrainienne sur les stratégies nord-coréennes. Ces officiers pourraient aussi participer aux interrogatoires, si des soldats de Corée du Nord étaient capturés sur le front. Il serait aussi question d’envoi de munitions.