Lors d’un échange franc et sans détours au palais de la Marina avec les jeunes, le chef de l’État béninois a redéfini, à sa manière, le sens de la souveraineté et a levé les équivoques sur la capacité du pays à acquérir des armes.
La scène s’est déroulée dans la grande salle du palais de la Marina, lors d’une rencontre entre le président Patrice Talon et des jeunes béninois venus de tous horizons politiques et associatifs. Parmi les interventions, celle d’une jeune dame a retenu l’attention : interpellant le chef de l’État sur les propos du président français Emmanuel Macron concernant les limites du Bénin dans l’acquisition de certains équipements militaires, elle s’est interrogée sur l’existence d’« accords coloniaux » pouvant freiner l’indépendance du pays en matière de politique d’armement.
Un recadrage sur la notion de souveraineté
Visiblement déterminé à clarifier les choses, Patrice Talon a d’abord tenu à redéfinir ce qu’il entend par « souveraineté ». « Madame, je vous remercie pour votre question. Vous avez écouté le président Macron, moi aussi. Mais nous n’avons pas la même compréhension du mot souveraineté », a-t-il entamé. Pour lui, la souveraineté ne saurait se résumer à un rejet systématique de l’autre ou à une dénonciation perpétuelle du passé colonial. « Trop souvent, on pense que notre sous-développement est uniquement la faute des autres. Mais nous devons aussi assumer notre part de responsabilité », a-t-il affirmé, revenant sur la traite négrière et rappelant que nombre d’Africains avaient eux-mêmes participé à la vente de leurs frères, d’abord aux Arabes, puis aux Européens.
La souveraineté, une question de volonté et de moyens
Le président béninois a insisté sur l’idée que la souveraineté se mesure avant tout à la capacité d’un pays à agir par lui-même, avec ses propres moyens, tout en entretenant des partenariats équilibrés. « La souveraineté, c’est la conscience de soi, la volonté d’agir en responsabilité, sans se courber devant l’autre. On peut coopérer, mais en défendant nos intérêts », a-t-il déclaré.
Concernant l’acquisition d’armes, Talon a été clair : « Si vous avez les moyens, que ce soit aux États-Unis, en Turquie, en France ou ailleurs, on vous les vendra. Mais celui qui n’a pas les moyens ne peut pas imposer ses conditions. »
Un petit pays, mais un grand peuple
Patrice Talon a également tenu à rappeler la réalité démographique et géographique du Bénin : un petit territoire, une population relativement réduite (environ 13 millions d’habitants), mais une grande ambition. « Nous ne sommes pas un grand pays par la taille ou par le nombre, mais par notre volonté. Nous discutons avec nos partenaires en les regardant dans les yeux, et nous corrigeons nos erreurs du passé pour bâtir une nouvelle image de notre nation », a-t-il affirmé, sous les applaudissements.
Pas de fatalité
En conclusion, le président a rejeté toute idée que le Bénin serait encore sous une quelconque « domination » extérieure dans ses choix stratégiques : « Ce que nous ne faisons pas encore, ce n’est pas parce qu’on nous l’interdit, mais parce que nous n’avons pas encore les moyens de le faire. Et cela, nous y travaillons. »
Par cette intervention directe, Patrice Talon a voulu transmettre un message fort à la jeunesse : la souveraineté n’est pas un slogan, mais une posture, une détermination et une capacité à agir dans l’intérêt du pays, en assumant sa part de responsabilité dans son destin.
Boris MAHOUTO