Depuis sa création en 1975, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est imposée comme un acteur incontournable dans la gestion des crises politiques et sécuritaires dans la région. Pourtant, face à la montée des coups d’État, à l’instabilité institutionnelle et aux contestations populaires, l’organisation semble de plus en plus fragilisée. La CEDEAO, censée garantir la stabilité, peine à imposer son autorité face à des États membres divisés et des dirigeants souvent accusés d’incohérence et de parti pris.
La CEDEAO s’est dotée d’instruments juridiques et politiques ambitieux pour promouvoir la démocratie et sanctionner les régimes anticonstitutionnels. Son Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance interdit explicitement les coups d’État et prévoit des sanctions contre les États fautifs. Cependant, les récentes crises au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ont mis en lumière les limites de l’organisation en quête de légitimité.

L’application sélective des sanctions, souvent perçue comme injuste et inefficace, a renforcé les critiques. Alors que les juntes militaires sont systématiquement sanctionnées, certains chefs d’État qui modifient leurs Constitutions pour se maintenir au pouvoir échappent à toute réprimande. Cette approche à géométrie variable sape la crédibilité de l’organisation et alimente le sentiment de rejet de la CEDEAO par une partie des populations.
*L’impuissance face aux nouvelles dynamiques politiques*
Les interventions militaires de la CEDEAO, autrefois décisives (Liberia, Sierra Leone, Gambie), sont aujourd’hui difficiles à envisager face aux réalités géopolitiques actuelles. L’échec des négociations avec les régimes militaires et le départ annoncé du Mali, du Burkina Faso et du Niger de l’organisation illustrent l’incapacité du bloc ouest-africain à maintenir son unité.
De plus, les influences extérieures exacerbent les tensions. La montée en puissance d’acteurs comme la Russie et la Chine, ainsi que la remise en question de la présence française, complexifient davantage la résolution des crises. Certains régimes militaires préfèrent aujourd’hui s’appuyer sur d’autres alliances stratégiques plutôt que de négocier avec la CEDEAO, jugée trop alignée sur des intérêts étrangers.
*Quel avenir pour la CEDEAO ?*
Pour retrouver son rôle de médiateur crédible, la CEDEAO doit impérativement réformer son approche. Il lui faut adopter une politique plus cohérente, sanctionnant non seulement les putschistes, mais aussi les dirigeants qui manipulent les institutions pour rester au pouvoir. Une refonte des mécanismes de dialogue et une meilleure implication des sociétés civiles pourraient également renforcer son efficacité.
Le défi est immense, mais l’avenir de la stabilité en Afrique de l’Ouest en dépend. Une CEDEAO réformée et plus impartiale pourrait devenir le véritable bouclier démocratique de la région. À défaut, elle risque de devenir un simple spectateur impuissant face aux bouleversements politiques qui secouent l’Afrique.
Boris MAHOUTO