Le Togo s’est doté d’un nouveau régime politique, parlementaire et non plus présidentiel, une réforme éclair critiquée par une partie de l’opposition qui y voit une manoeuvre du président Faure Gnassingbé pour se maintenir au pouvoir.
Les députés de ce petit pays d’Afrique de l’ouest de 8,8 millions d’habitants, coincé entre le Bénin et le Ghana, ont adopté lundi soir une nouvelle Constitution donnant désormais le pouvoir au Parlement d’élire le président de la République.
Cette réforme, dont on ignore à ce stade quand elle entrera en vigueur, intervient à moins d’un mois des élections législatives et régionales prévues le 20 avril.
Si cela est confirmé, elle entraînera la fin des élections présidentielles, dont la prochaine devait avoir lieu en 2025.
Le président sera désormais choisi « sans débat » par le Parlement réuni en congrès et ce « pour un mandat unique de six ans », d’après le nouveau texte lu à l’Assemblée nationale et validé avec 89 voix pour, une contre et une abstention.
Mais le pouvoir sera surtout dans les mains du « président du Conseil des ministres », un poste créé par la réforme.
Cette sorte de Premier ministre, aura la « pleine autorité et le pouvoir de gérer les affaires du gouvernement » et sera « désigné pour un mandat de 6 ans » par les députés, selon le texte qui ne précise pas pour l’heure s’il sera renouvelable.
Le président du Conseil des ministres est « le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaire à l’issue des élections législatives », selon le texte.
Le président togolais Faure Gnassingbé, qui a succédé à son père en 2005 après que ce dernier a tenu le pays d’une main de fer pendant près de 38 ans, pourrait donc être « élu » président de la République ou « désigné » président du conseil des ministres par les députés.
Il avait été réélu pour cinq ans en 2020, avec la possibilité de briguer un dernier mandat en 2025.
Coup de force
Ce nouveau texte doit acter l’entrée du Togo dans sa Ve République, le dernier grand changement constitutionnel remontant à 1992.
Si les rumeurs de changement de régime allaient bon train dans les médias locaux depuis quelques semaines, l’adoption par les députés d’un texte qui n’a toujours pas été rendu public, après seulement quelques heures de discussions dans l’hémicycle et juste avant les législatives est vivement décriée, notamment par l’opposition.
« Le régime se met dans une logique de passer par tous les moyens pour se maintenir au pouvoir et ne veut plus en aucun cas être obligé de passer devant le peuple », a réagi mardi auprès de l’AFP Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, coordinatrice de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP, regroupement de partis politiques de l’opposition et d’organisations de la société civile), dénonçant « un coup de force très grave ».
« Cette nouvelle Constitution est un passage en force, c’est un coup d’Etat constitutionnel », a abondé mardi sur le réseau social X Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT).
La Conférence des évêques du Togo s’interrogeait mardi dans un communiqué sur « l’opportunité ou non » de mener cette réforme et du « moment choisi », appelant le chef de l’Etat à « surseoir la promulgation de la nouvelle constitution et à engager un dialogue politique inclusif, après les résultats des prochaines élections législatives et régionales ».
Pour l’historien togolais Michel Goeh-Akue, la nouvelle constitution est « faite pour que Faure Gnassingbé ait le pouvoir à vie » comme « dans un système monarchique ».
« Les dés sont pipés à l’avance », a-t-il confié mardi à l’AFP soulignant que l’opposition « n’a pas beaucoup de chances pour les élections législatives et régionales du mois prochain tant le système est verrouillé ».
« Rééquilibrage »
L’assemblée nationale togolaise est dominée par le parti au pouvoir, UNIR, les principaux partis d’opposition ayant boycotté les dernières élections législatives de 2018.
Les députés de l’opposition présents à l’Assemblée sont moins virulents à l’égard du parti majoritaire, et certains ont porté la proposition de réforme, évoquant un « rééquilibrage des pouvoirs » qui poussera les élus à être « plus proche de la population ».
Les promoteurs de réforme estiment que le pays y gagnera en stabilité, dans une Afrique de l’ouest secouée par des coups d’Etat au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, la crise politique qui a agité le Sénégal, ou le jihadisme également présent dans le nord du Togo.
Les régimes successifs des Gnassingbé père et fils ont régulièrement été accusés par des ONG de restreindre les libertés. L’opposition dénonce le maintien en prison de plus d’une centaine de détenus politiques.