Depuis quelques années, le paysage urbain béninois, en particulier dans les grandes villes comme Cotonou, Porto-Novo et Parakou, voit fleurir une multitude de caves à vin. Ces établissements, autrefois rares et réservés à une clientèle haut de gamme, sont aujourd’hui de plus en plus accessibles, parfois nichés dans de simples quartiers résidentiels. Mais derrière cette explosion commerciale se cache une réalité préoccupante : l’opacité des circuits d’approvisionnement et les risques sanitaires liés à certains produits importés.
C’est un marché bien animé et en pleine effervescence. Il ne se passe plus une semaine sans qu’une nouvelle cave à vin n’ouvre ses portes dans une artère de Cotonou. Du vin rouge au blanc, en passant par le rosé, les mousseux et les spiritueux, l’offre s’est considérablement diversifiée. Encouragés par la croissance d’une classe moyenne urbaine et l’émergence de nouveaux modes de consommation, de nombreux entrepreneurs, souvent sans formation œnologique, investissent ce créneau jugé prometteur. « Aujourd’hui, le vin n’est plus réservé aux grandes occasions. Il est devenu un produit tendance, symbole de raffinement et de statut social », explique Valéry Dossou, sommelier béninois formé en France. « Mais ce changement rapide n’est pas sans conséquences. »
*Des origines douteuses*
La principale inquiétude réside dans l’origine des vins commercialisés. Selon une enquête menée par des journalistes spécialisés de la qualité nutritionnelle et alimentaire, une grande partie des produits vendus dans les caves béninoises ne proviennent pas de circuits officiels ou certifiés. Beaucoup sont achetés à bas prix dans des marchés parallèles en Europe, notamment en France et en Espagne, puis importés au Bénin sans contrôle rigoureux. « On retrouve sur les étagères des bouteilles sans étiquetage clair, sans date de péremption ni certificat d’origine », alerte un agent de la Direction générale des douanes. Certains vins seraient même reconditionnés localement, avec des étiquettes falsifiées pour leur donner une apparence premium.
*Risques pour la santé publique*
Les conséquences sanitaires de cette déréglementation sont alarmantes. Certains vins frelatés contiennent des taux anormaux de sulfites ou d’alcool méthylique, dangereux pour la santé. Les intoxications, bien que rarement documentées, existent bel et bien. Dans certains hôpitaux de Cotonou, des cas de maux d’estomac, de vertiges et d’allergies sont signalés après la consommation de vins achetés dans des caves locales. « Il n’existe pour l’instant aucune politique nationale claire sur le contrôle de la qualité des vins importés. Nous sommes dans une zone grise légale », déplore un pharmacien qui requiert l’anonymat.
*Un vide réglementaire préoccupant*
Au Bénin, contrairement aux médicaments ou aux produits alimentaires, le vin n’est pas soumis à des contrôles stricts lors de son importation. Le code des douanes prévoit peu de dispositions spécifiques, et les autorités de la répression des fraudes ne disposent ni des moyens ni de la formation pour détecter les produits non conformes. Pourtant, l’enjeu est de taille. Avec plus de 300 caves enregistrées officieusement dans le pays, le commerce du vin représente désormais un pan important de l’économie informelle urbaine.
*Vers une régulation du secteur ?*
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour réclamer une meilleure régulation. Des acteurs du secteur, à l’image de l’Association des professionnels du vin et spiritueux du Bénin (APVSB), plaident pour la mise en place d’un label de qualité national et l’obligation pour chaque cave de présenter une traçabilité complète de ses produits. « Il en va de la santé des consommateurs, mais aussi de la crédibilité de notre secteur », insiste Léon Awali, président de l’association. Il propose la création d’un registre national des importateurs agréés, la formation des gérants de caves, et des contrôles aléatoires dans les points de vente.
L’enjeu d’un changement culturel encadré
La démocratisation de la consommation du vin au Bénin est un phénomène révélateur d’un changement des habitudes, d’un rapprochement avec certaines pratiques culturelles occidentales, mais aussi d’une quête de distinction sociale. Cependant, ce mouvement doit s’accompagner d’un encadrement rigoureux, pour éviter que la passion du vin ne tourne à l’amère désillusion. En attendant une réponse des autorités compétentes, la prudence reste de mise. Derrière l’élégance d’une bouteille se cache parfois un cocktail à haut risque.
Boris MAHOUTO