L’Allemagne devient le plus grand pays de l’UE à légaliser le cannabis pour un usage Récréatif. Depuis lundi 1ᵉʳ avril à minuit, la consommation de cannabis est autorisée pour les adultes outre-Rhin du fait d’une réforme qui suscite autant d’attentes que de craintes. Une approche diamétralement opposée à celle de la France.
RCMM avec AFP
A minuit, ils ont fait tournoyer dans les airs leurs premières volutes de fumée de cannabis légales, devant l’emblématique porte de Brandebourg, au cœur de Berlin. Plusieurs centaines de personnes ont célébré, dans la nuit du dimanche 31 mars au lundi 1er avril, le changement de loi autorisant en Allemagne l’usage récréatif du cannabis.
Après Malte, en 2021, et le Luxembourg, en 2023, l’Allemagne devient ainsi le plus grand pays de l’Union européenne (UE) à s’engager dans cette voie. La possession de 25 grammes de cannabis séché est désormais autorisée dans les lieux publics, ainsi que la culture à domicile, jusqu’à 50 grammes et trois plants par adulte.
Une approche diamétralement opposée à celle de la France et différente de celle des Pays-Bas, où la consommation de haschich n’est pas légale, mais tolérée, notamment dans les « coffee shops ». Période de Transition. Paradoxalement, il faudra attendre encore trois mois en Allemagne pour acheter légalement de la drogue et ce par l’intermédiaire d’un « Cannabis Social Club ». D’où la mise en garde dans l’intervalle de Georg Wurth, représentant de la Fédération allemande du chanvre : malgré la légalisation « il ne faut pas que le consommateur dise au policier où il a acheté son cannabis » en cas de contrôle dans la rue. « Car à partir du 1er avril, on ne peut en principe que se procurer de la drogue illégalement », a-t-il dit dans un entretien à l’Agence France-Presse.Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « coffee shop », une révolution néerlandaise, un jalon sur le chemin de la légalisation
La donne changera vraiment au 1er juillet avec les clubs. Ces associations à but non lucratif pourront vendre à leurs membres un maximum de 25 grammes par jour et pas plus de 50 grammes par mois.
Ces clubs, sortes de jardins partagés du cannabis, pourront cultiver la drogue sur un terrain à l’extérieur, dans une serre, dans un bâtiment non habité. Contrôlée au minimum une fois par an par les autorités, chaque association pourra accueillir, moyennant une cotisation, au maximum 500 personnes qui résident depuis au moins six mois en Allemagne.
Un homme fume un joint devant une pancarte sur laquelle est écrit : « Nous ne voulons pas être des criminels ». A la Porte de Brandebourg, à Berlin, dans la nuit du 31 mars au 1ᵉʳ avril 2024.
Selon le gouvernement, la nouvelle législation, ardemment voulue par les écologistes et les libéraux de la coalition du chancelier social-démocrate, Olaf Scholz, devrait permettre de lutter plus efficacement contre les trafics. Estimant que la politique d’interdiction a échoué, le ministre de la santé, Karl Lauterbach, fait régulièrement valoir que des pays comme le Canada, qui ont mis en œuvre la légalisation, ont pu réduire le marché noir.
Mais nombre d’associations médicales craignent une augmentation de la consommation, particulièrement chez les jeunes. Jusqu’à 25 ans, la consommation de cannabis comporte des risques accrus pour le cerveau encore en formation, selon les experts, qui pointent notamment le danger de développer des troubles psychotiques comme la schizophrénie. Pour Katja Seidel, spécialisée dans la prévention des addictions au Centre Tannenhof à Berlin, la nouvelle loi est « une catastrophe ».
En Allemagne, la légalisation annoncée du cannabis concentre les critiques
Sensibiliser les jeunes. Le cannabis « sort de la zone de tabou », a salué Karl Lauterbach, le ministre de la santé, sur X. « C’est mieux pour une véritable aide aux toxicomanes, pour la prévention auprès des jeunes et pour la lutte contre le marché noir », a ajouté ce médecin de profession.
Le ministre de la santé allemand a promis des moyens renforcés pour sensibiliser les jeunes aux dangers du cannabis, sans pour autant annoncer de montants précis. Les autorités font valoir que, pour les moins de 18 ans, le cannabis reste interdit. Sa consommation l’est aussi dans un rayon de 100 mètres autour des écoles, des crèches, des terrains de jeux.
Les policiers sont également vent debout contre ce qu’ils considèrent comme un « monstre bureaucratique avec beaucoup de réglementations parcellaires », selon le président du syndicat de branche (DPolG), Rainer Wendt. « A partir du 1er avril, nos collègues vont se retrouver dans des situations de conflit avec les citoyens, car l’incertitude règne de part et d’autre », explique le vice-président du syndicat de la police (GdP), Alexander Poitz.
De son côté, la Fédération des juges allemands (DRB) anticipe un surcroît de travail : en raison des amnisties découlant de la loi pour les délits liés au cannabis, il va falloir réexaminer plus de 200 000 dossiers. Cela va empêcher la justice pénale « de se consacrer à d’autres tâches pendant des semaines et des mois », avertit Sven Rebehn, de la DRB.
La phase de transition va entraîner une « augmentation ponctuelle de la charge de travail » pour la police et la justice, mais à long terme elle « sera allégée », a promis le ministre de la justice, Marco Buschmann, dans une interview lundi au groupe de médias RND.
Selon lui, la politique répressive a « imposé une lourde charge à la police et aux procureurs mais n’a en réalité guère empêché la consommation, poussant les consommateurs vers les dealers de produits de mauvaise qualité et de drogues dures ».