L’ANC lance samedi sa campagne en vue des élections générales du 29 mai en Afrique du Sud, le parti historique au pouvoir confronté à un mécontentement grandissant dans un climat socio-économique morose risquant de perdre pour la première fois sa majorité absolue au Parlement.
Le président Cyril Ramaphosa doit s’exprimer en fin de matinée dans un stade près de Durban, capitale du KwaZulu-Natal (KZN, est), où quelque 85.000 militants sont attendus. A moins d’une heure de route et au même moment, son ennemi en politique, l’ex-président Jacob Zuma (2009-2018), tient un meeting devant ses soutiens.
La province clef et la plus peuplée du pays est un fief historique du Congrès national africain (ANC), ancien mouvement de lutte anti-apartheid au pouvoir sans interruption depuis 30 ans.
Mais le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA) y fait des incursions et Jacob Zuma qui a rallié un nouveau parti (MK) y compte une base encore puissante.
« Si l’ANC n’obtient pas de bons résultats dans le KwaZulu-Natal, il n’en obtiendra pas non plus au niveau national », analyse Susan Booysen, de l’Institut de réflexion stratégique de Mapungubwe.
« Zuma représente la plus grande menace pour l’ANC dans le KwaZulu-Natal », selon Zakhele Ndlovu, professeur de politique à l’université du KwaZulu-Natal.
Ancien pilier de l’ANC, le sulfureux et charismatique ancien président de 81 ans a annoncé en décembre faire campagne pour un petit parti radical baptisé Umkhonto We Sizwe (MK) récemment créé. L’ANC a annoncé dans la foulée le suspendre.
Le changement de camp de M. Zuma a été un coup pour le parti de Nelson Mandela au pouvoir depuis l’avènement de la démocratie dans le pays en 1994, éclaboussé par des scandales de corruption et en perte de terrain dans les urnes dans un contexte de chômage endémique, pauvreté grandissante et inégalités toujours plus grandes.
Jacob Zuma, qui reste populaire dans les sondages, « attire ceux qui ont pris leurs distances avec l’ANC », explique Mme Booysen, tout en leur permettant de ne pas se sentir « totalement déloyaux » en soutenant l’un de ses anciens piliers.
« Grand parti fort »
Plus de 27 millions d’électeurs inscrits sont appelés à se rendre aux urnes le 29 mai pour renouveler leur Parlement, qui désignera le prochain président.
Selon les enquêtes d’opinion, l’ANC, en perdant sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, pourrait se voir contrainte à former un gouvernement de coalition.
Le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique, encore largement perçue comme un parti blanc, a monté une coalition avec dix petites formations politiques pour battre l’ANC.
Le mouvement est talonné dans les sondages par le parti de gauche radicale Economic Freedom Fighters (EFF) de l’incendiaire Julius Malema.
Les deux partis d’opposition, qui ont déjà lancé leur campagne, misent sur des promesses de création d’emplois, réduction d’une criminalité parmi les plus élevées de la planète et fin d’une grave crise de l’électricité qui plombe l’économie.
La première puissance industrielle du continent est régulièrement frappée par des coupures de courant pouvant aller jusqu’à 12 heures par jour.
L’entreprise publique Eskom, avec ses centrales vieillissantes et mal entretenues après des années de mauvaise gestion et de corruption, est incapable de produire suffisamment d’électricité pour les 62 millions de Sud-Africains.
L’Afrique du Sud a par ailleurs enregistré près de 84 meurtres par jour entre octobre et décembre, selon les derniers chiffres de la police. Et à trois mois des élections, le taux de chômage est à nouveau en hausse à 32,1%.
« La grande défi de l’ANC sera, malgré tous les autres problèmes et son propre déclin, de se projeter comme un grand parti fort qui peut vraiment changer les choses », estime Mme Booysen.
L’ANC détient actuellement 230 des 400 sièges (57,50%) à l’Assemblée nationale tandis que le DA a 84 sièges (20,77%).