Un tournant historique. En mai 2024, le Togo a officiellement adopté une nouvelle Constitution instaurant un régime parlementaire, marquant ainsi l’entrée du pays dans la Ve République. Cette réforme majeure bouleverse l’équilibre institutionnel du pays en redistribuant profondément les pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
Sous la Ve République, le cœur du pouvoir exécutif n’est plus entre les mains du Président de la République, mais entre celles du Président du Conseil des ministres, un poste nouvellement érigé au sommet de l’exécutif togolais. Désigné par la majorité parlementaire, ce dernier devient le véritable chef du gouvernement, responsable devant les deux chambres du Parlement. Il détient les leviers de décision politique et de gestion des affaires publiques, concentrant ainsi l’essentiel du pouvoir exécutif.

Quant au Président de la République, son rôle devient essentiellement honorifique. Élu pour un mandat unique de six ans par le Parlement réuni en Congrès (Assemblée nationale et Sénat), il incarne désormais l’unité nationale, sans pouvoir décisionnel sur la conduite des affaires de l’État.
*Un Parlement bicaméral renforcé*
Autre mutation majeure : le renforcement du pouvoir législatif. Le Togo adopte désormais un Parlement bicaméral, composé de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six ans, tandis que les sénateurs le sont pour cinq ans, selon un système indirect. Cette architecture vise à garantir une meilleure représentativité territoriale et politique.
C’est ce même Parlement, réuni en Congrès, qui procède à l’élection du Président de la République. Fait notable, ce scrutin se déroule sans débat, conférant à cette désignation un caractère cérémoniel davantage qu’un véritable enjeu politique.
*Un pouvoir judiciaire gardien de la Constitution*
Le troisième pilier de la République, le pouvoir judiciaire, conserve une mission centrale : la garantie de l’État de droit. La Cour constitutionnelle reste en charge du contrôle de constitutionnalité des lois et du bon fonctionnement des institutions. Elle joue un rôle clé dans l’équilibre du nouveau système en arbitrant les conflits de compétence entre les pouvoirs.
*Une réforme controversée*
Si cette transition vers un régime parlementaire est présentée par les autorités comme une avancée démocratique, elle n’est pas exempte de critiques. De nombreuses voix s’élèvent contre la concentration du pouvoir exécutif entre les mains du Président du Conseil, dont la durée du mandat n’est pas limitée par la Constitution, contrairement au Président de la République.
Des observateurs redoutent une recomposition du pouvoir sans alternance réelle, le contrôle du Parlement par une majorité unique risquant de verrouiller la vie politique. D’autres y voient néanmoins l’opportunité d’un rééquilibrage institutionnel, mettant fin à la toute-puissance présidentielle qui prévalait jusque-là. Avec cette Ve République, le Togo entre dans une nouvelle ère politique. Reste à voir si ce changement institutionnel tiendra ses promesses de gouvernance partagée, de stabilité démocratique et de responsabilisation des acteurs politiques.
CMM