Ékpé-Épé
Retour sur l’historique et les différentes étapes de cette fête des Guin.
Avant de rentrer dans la profondeur de cette histoire, il serait bien de faire une nuance entre Ékpé-Épé et Yêkê Yêkê.
En effet, c’est la fête elle-même qu’on nomme Ékpé-Épé. C’est-à-dire les rituels entrant dans le cadre de la célébration de la prise de la pierre sacrée qu’on appelle Ékpé-Épé. En traduction littérale, on dira « une Pierre une année ». Yêkê Yêkê quant à lui est juste une partie de cette manifestation. Donc il est inclus dans la fête Ékpé-Épé. L’historique de cette fête remonte à une cérémonie d’hommage que les ancêtres Guin ou Gês originaires du Ghana ont instituée en l’honneur de leur Roi en exode au Bénin. Cette fête marque encore la fin de l’année lunaire en milieu Guin. Rappelons que l’immigration dont il est question c’était au 17 ème siècle, notamment en septembre 1662 comme le prouvent certains documents. Soulignons encore que cette immigration a été conduite par les Princes Tugban précisément les Foli bébé, Foli-Hemazro, Ama Kpassam et Ashiongbon. La fête sans doute l’une des plus vieilles en Afrique occidentale est célébrée chaque année en pays Guin en septembre.
Glidji est le lieu retenu pour la fête. Elle commence en début du 13 ème mois selon le calendrier Guin. Timidement célébré, Ékpé-Épé va connaître une grande célébration en 1680. Ferveur que connaîtra cette fête jusqu’à nos jours. Et ceci à cause du retour de certains objets royaux notamment les Vodoun et la Pierre sacrée.
Concernant les manifestations actives de Ékpé-Épé, elles commencent en réalité en juillet. Les prêtres Wulomo font des rencontres en catimini en juillet pour une cérémonie. Ladite cérémonie a pour nom « Nma dumo ». Ce qui signifie en français la « Semeuse du maïs ». La cérémonie se déroule dès qu’on voit la nouvelle lune apparaître pour la première fois en juillet. A la suite de cette cérémonie s’observe une série d’abstinence de certaines pratiques des collectivités qui s’impliquent dans l’organisation de la fête.
Mais après trois semaines, le roi de Glidji annonce officiellement l’abstinence au sein de toute la communauté Guin. Alors, les funérailles, les tam-tams, coups de canon, ne doivent plus retentir quelle que soit la cérémonie. Il faut préciser que pendant ce temps, les familles éplorées, ne doivent ni pleurer ni être tristes. Les condoléances en ces moments sont exprimées par les termes » dô dé mou léo » (il n’y a aucun travail). Vers la fin du 13 ème mois, on organise le Motata ou Kpéssôssô. Ce qui signifie la réparation des routes ou la prise de la Pierre. Dans tout ça, il faut noter la consultation des oracles.
La cérémonie commence le jeudi après-midi et dure quatre jours. La communauté Guin se retrouve en foule au temple de leurs dieux pour les implorer à travers diverses consultations, libations. En un mot, ils communient et communiquent avec leurs dieux. Après toutes les invocations, le chargé qui est souvent le prêtre de Kolé, en compagnie des désignés les « Hounonwo », présente à toute l’assistance la pierre choisie. Chaque couleur de Pierre choisie a sa signification. La Pierre rouge et la Pierre bleue ne sont pas porteuses de bonheur. Elles avertissent sur des dangers durant toute l’année lunaire, des accidents, des morts, et même sur les activités et les récoltes. Et pour éviter que cela n’ait de graves répercussions sur les fils de la communauté dès que ces Pierres sont choisies, il y a aussi des cérémonies supplémentaires que les prêtes font. La Pierre verte annonce l’espoir, la pierre Jaune est celle de la santé pour les personnes âgées. La pierre sacrée de couleur blanche, symbole de prospérité et de bonheur. Etc.
La deuxième journée de ces manifestations, c’est-à-dire le vendredi, les cérémonies continuent. La particularité ici est qu’elle est célébrée comme la Toussaint des Chrétiens. Selon l’ancienne célébration, tout commence dans la soirée. Ainsi à 21h, (heure du Bénin), un tam-tam spécial retentit depuis le palais. Il a nom Akléma ou Amétahun. Lorsque les habitants des quartiers environnants du palais entendent le son du tam-tam, ils se rendent compte que la fête est lancée. Et les autres villages Guin vont prendre le train en marche. La fête embrase toutes les contrées Guin. Tam-tams, danses, chants, jeux etc seront de la partie pour la première fois depuis juillet. L’ensemble de cette cérémonie est appelé « Nualiyogbé ». Aujourd’hui ce n’est plus la même. Cette cérémonie a connu quelques modifications notamment une modernité.
Ainsi avec la nouvelle formule, le matin on organise une messe de requiem à l’église catholique de Glidji. Dans la soirée autour de 15h (toujours heure du Bénin), rendez-vous à Huntigomé avec des bougies allumées en main. 16h, procession vers les cimetières selon les croyances et les lieux d’enterrement des membres des familles de chacun pour déposer lesdites bougies allumées sur la tombe des parents qui ne sont plus de ce monde. Cela se fait dans un calme absolu. Ceci pour renouveler une fois de plus leur attachement aux parents décédés. Précisons qu’avant tout cela, les tombeaux sont rendus propres et même badigeonnés. La même cérémonie se fait au palais mais de façon un peu différente. Le matin, les sièges des anciens rois badigeonnés de craie ou de chaux, on lave la percale qui recouvre les trônes, on balaie et on lave le Yôhômé. On prend la valse du lac pour badigeonner le sol. Le soir, on allume la lumière avec du bois d’Atite. C’est une cérémonie sacrée.
Le samedi c’est le 3eme jour des festivités. Les tassinon entrent dans le jeu, les princes et princesses les membres de la famille sans oublier le roi même, font une procession de la maison royale vers ahouéganmé. Cette cérémonie s’appelle « Ablofoto ». Une fois à ahouéganmé des boucs et un bœuf sont attachés quelque part. Le roi fait des prières, appelle les dieux, et leur demande la protection de tous les ressortissants Guin et surtout l’abondance des pluies et une bonne saison. Le roi peut aussi faire des demandes individuelles. Tour à présent aux Tassinon de faire le même rituel.
Par la suite, les deux animaux attachés sont emmenés auprès du roi. Et ce dernier leur parle dans l’oreille gauche (cette partie est très sacrée). Ici, il s’agit de demander aux dieux des vœux et ceux de la communauté. Et puis les animaux seront immolés. Une partie de leur sang sera versée dans la tombe des rois défunts. Pendant ce temps, le roi se retrouvera seul dans sa chambre pour des prières secrètes. Quelques instants après le roi réapparaît. La danse Atopani sera au rendez-vous. Après quelques minutes de cette danse, les animaux seront dépiécés. La viande va servir à préparer de la sauce qui sera mangée avec du Yêkê-Yêkê ( couscous de maïs). À Ahouéganmé, les mêmes cérémonies sont organisées. Par la suite, le roi et les tassinon vont donner à manger à tous ceux qui sont présents dans la maison sans exception. Cette partie est nommée « Yakawokae ». C’est un moment de réconciliation entre tout le monde et on enterre les divergences pour repartir à zéro. Dans la soirée, ce sera une communion entre le roi, la cour royale, les notables et autres pour un repas en commun. Ceci se passe toujours à Ahouéganmé. Plusieurs tam-tams de guerre vont retentir à cet instant. Le Gbékon, l’Atopani l’Akofé y sont joués. Chacun fait sa fête à sa manière. Et l’ancienne année prend fin ce samedi.
Le dimanche c’est une nouvelle année qui commence..
Les autres jours et la fin des manifestations.
Le dimanche (comme dimanche prochain) est le jour du nouvel an en milieu Guin. Au petit matin on observe un deuil. C’est-à-dire une minute de silence en mémoire des disparus dans chaque maison. Par la suite, les visites dans les maisons voisines, juste pour présenter les vœux du nouvel an. C’est aussi le jour de réconciliation entre tous ceux qui sont en conflits. On se souhaite de bons vœux. On appelle ce jour Nlowoa. Les réjouissances s’organisent un peu partout jusqu’à tard dans la soirée.
Le lendemain lundi est appelé Amlokuvigbé ( le jour de la semence dans la petite saison de l’année). Les visites et jouissances continuent. Le mardi de ces manifestations s’appelle Vodoudohogbé ou Sidougbé c’est le jour de la clôture des manifestations officielles. Tous les chefs religieux sont encore invités pour la clôture. Les danses et manifestations continuent toujours cette fois au quartier ELA à Aného. Le mercredi le chef féticheur Lakpa sort avec le dieu pour assister aux cérémonies traditionnelles. Le jeudi est le dernier jour d’Épé-Ékpé quant aux cérémonies traditionnelles et officielles. La fête continue dans les maisons. Néanmoins quand il y a un décès on ne doit pas entendre les coups de canon. La prohibition des coups de canon finit à la nouvelle lune de décembre. Précisément le premier mardi du mois de décembre. On dit en ce moment que les dieux retournent dans la mer. Vodoudjapou. Voilà en quelque sorte ce qu’on peut retenir lorsqu’on parle de Épé-Ékpé.
Richard Mensah Elom Agbenomba