(Le parti réaffirme sa cohésion et accuse le pouvoir de “manœuvres d’exclusion politique”)
Le climat politique s’est encore tendu ce jeudi au sein du principal parti d’opposition béninois, Les Démocrates, à la suite d’une conférence de presse au siège national du parti. Les responsables du parti de l’opposition radicale, réunis devant la presse nationale et internationale, ont dénoncé l’attitude du député Michel SODJINOU, accusé d’être “instrumentalisé par le pouvoir en place” pour fragiliser la formation politique présidée par l’ancien chef d’État Thomas Boni Yayi.
Un contexte marqué par la bataille des parrainages
Depuis la relecture controversée du Code électoral en mars 2024, le parti Les Démocrates n’a cessé de contester les nouvelles conditions imposées pour la présidentielle de 2026. L’article 132, alinéa 8 du texte, fixe désormais à 15 % le seuil de parrainages nécessaires pour qu’un duo présidentiel puisse se présenter, soit 28 députés et/ou maires issus d’au moins trois cinquièmes des circonscriptions électorales.
Un changement que la direction du parti juge “malicieux et discriminatoire”, rappelant qu’avant l’entrée des Démocrates au Parlement, le seuil n’était que de 10 %. Selon le parti, cette modification aurait été conçue “pour restreindre l’accès à la compétition présidentielle et neutraliser l’opposition”. “La majorité savait parfaitement qu’en fixant le taux à 15 %, cela correspondrait exactement au nombre de nos députés, soit 28. C’était une manœuvre préméditée pour nous empêcher de présenter un candidat en 2026”, a dénoncé un responsable du bureau politique.
Un différend interne qui prend une tournure judiciaire
Le ton est monté d’un cran depuis le lundi 13 octobre 2025, lorsque le député Michel SODJINOU a mandaté un huissier pour délivrer un exploit de justice au domicile de Boni Yayi, dans un contexte de désignation du duo présidentiel du parti. Selon les précisions apportées au cours de la conférence, le clerc de justice se serait présenté “dans des conditions irrégulières et avec désinvolture”, déposant un document contenant initialement une date erronée (13 novembre 2025) avant de revenir avec une version corrigée. “Il a fini par jeter le courrier par terre devant le domicile du président Yayi, alors qu’il lui avait été signifié que tout acte devait être adressé au siège du parti. Une attitude méprisante et suspecte”, a affirmé le porte-parole.
Le parti dénonce également la “promptitude inhabituelle” du tribunal de première instance de Cotonou, qui aurait rapidement traité le dossier, alors même que sa compétence “reste sujette à caution”. Pour Les Démocrates, cette affaire s’inscrit dans un plan concerté “pour confisquer le parrainage du parti” et “saboter sa participation à la présidentielle”.
“Michel SODJINOU, le cheval de Troie de la Rupture”
Les responsables du parti n’ont pas mâché leurs mots à l’endroit de l’élu de la 19ᵉ circonscription électorale. Ils accusent Michel SODJINOU d’être devenu “le porte-parole du pouvoir de la Rupture”, instrumentalisé pour “affaiblir le leadership de Boni Yayi” et transformer Les Démocrates en un “FCBE bis”, inféodé au régime en place. “Ce projet a échoué lors du congrès de Parakou. Aujourd’hui, la manœuvre revient sous une autre forme, mais le peuple béninois ne s’y trompe pas”, a martelé un membre du bureau exécutif.
Le parti rejette en bloc les accusations de régionalisme évoquées par SODJINOU, estimant qu’il s’agit d’une “diversion destinée à diviser le parti”.
“Du nord au sud, de l’est à l’ouest, la Yayimania témoigne de l’amour du peuple pour celui qui incarne l’unité nationale”, a déclaré la direction.
Un avertissement solennel au pouvoir et à la communauté internationale
Dans son adresse finale, la direction du parti a tenu à rappeler les principes fondateurs de la Conférence nationale de février 1990, notamment la dévolution du pouvoir par les urnes et le pluralisme politique. “Nous sommes aujourd’hui à des années-lumière de ces valeurs. Le pouvoir de la Rupture ne veut plus d’élections inclusives, transparentes et pacifiques. Tout est mis en œuvre pour exclure notre parti de la course présidentielle.”

Les Démocrates annoncent qu’ils récusent le verdict du tribunal, refusent d’en reconnaître la compétence et maintiennent leurs 28 parrainages. Ils assurent que leur duo de candidats sera bel et bien présent à l’élection présidentielle d’avril 2026.
Appel à la sérénité et à la mobilisation
Le parti appelle enfin ses militants à “garder le cap, dans la sérénité et la détermination”, en vue d’une victoire éclatante en 2026. “Le pouvoir appartient au peuple et c’est au peuple d’en décider. Rien ne brisera notre marche vers la démocratie”, a conclu le porte-parole, avant de clore la conférence par ces mots : “Vive la démocratie, vive le pouvoir du peuple par le peuple, et que Dieu bénisse le Bénin !”
Analyse : un tournant politique délicat
Cette nouvelle crise interne révèle les tensions croissantes au sein du principal parti d’opposition, à quelques mois d’une présidentielle à forts enjeux. Entre suspicion d’infiltration, bras de fer judiciaire et guerre de leadership, l’affaire SODJINOU pourrait bien devenir un test de cohésion pour Les Démocrates et un baromètre du pluralisme politique au Bénin à l’approche de 2026.
Boris MAHOUTO