Un tournant décisif se dessine dans l’univers numérique béninois. Lors de son passage ce dimanche sur l’émission L’entretien Grand Format diffusée sur Bip Radio, le Secrétaire Général de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), François Awoudo, a annoncé une régulation prochaine des réseaux sociaux au Bénin. Une réforme qui devrait bouleverser les pratiques des influenceurs, créateurs de contenus et plateformes numériques comme TikTok et Facebook.
Des réseaux sociaux considérés comme des médias
La sortie du Secrétaire Général s’inscrit dans une dynamique de clarification du cadre juridique entourant l’usage des plateformes numériques. Pour la HAAC, les réseaux sociaux ne peuvent plus échapper à la régulation au motif qu’ils seraient des espaces privés ou de simple interaction virtuelle. Leur rôle croissant dans la formation de l’opinion publique, la diffusion d’informations – parfois non vérifiées – et l’influence qu’ils exercent sur les comportements sociaux en font, de facto, des outils médiatiques à part entière. « Tout outil que vous utilisez pour véhiculer un message à l’adresse d’une masse de personnes est un média », a martelé François Awoudo.

Le SG de la HAAC l’a expliqué en termes simples : la définition d’un média s’applique à tout support capable de diffuser un message à une large audience. À ce titre, les comptes influents sur TikTok, Facebook, Instagram ou YouTube doivent être considérés comme des médias et pourraient être appelés à respecter les normes déontologiques et juridiques en vigueur dans le paysage médiatique béninois.
Les influenceurs bientôt soumis à autorisation ?
La montée en puissance des influenceurs digitaux sur les réseaux sociaux n’a pas échappé à l’attention du régulateur. Pour François Awoudo, il est temps d’envisager leur encadrement légal, comme cela se fait déjà dans d’autres pays. Il évoque la possibilité que certains comptes ou pages soient soumis à autorisation préalable de la HAAC, en fonction du nombre de leurs abonnés ou de l’impact de leurs publications. « Dans certains pays, dès lors que vous êtes suivi par un certain nombre de personnes, vous êtes automatiquement considéré comme un média », a-t-il précisé.
Si le seuil d’audience au-delà duquel un compte devient éligible à régulation n’a pas encore été fixé, la HAAC entend ouvrir le débat et poser les bases d’un cadre réglementaire clair et évolutif. L’objectif : éviter le vide juridique et prévenir les dérives.
Vers une nouvelle législation pour un espace numérique plus responsable
François Awoudo a annoncé que cette réflexion sera au cœur des colloques que la HAAC prévoit d’organiser dans les prochains jours. Ces assises permettront de recueillir les avis d’experts, de juristes, de journalistes, de créateurs de contenus et de représentants de la société civile sur les modalités d’encadrement à adopter.
Pour le Secrétaire Général, se cacher derrière le statut de « plateforme numérique » pour contourner les règles en vigueur ne pourra plus durer. Il estime que le Bénin doit impérativement mettre à jour sa législation pour s’adapter aux mutations du monde numérique. « On ne peut pas rester dans un vide juridique, dans un no man’s land », a-t-il averti, appelant à une révision urgente des textes.
Un nouveau contrat numérique en gestation
Cette future régulation, en plus de mieux structurer l’espace numérique béninois, pourrait poser les bases d’une responsabilité partagée entre les créateurs de contenu et les plateformes. Il s’agira non seulement de protéger le public, notamment contre les fausses informations, les discours de haine ou les dérives commerciales, mais aussi de professionnaliser un secteur en pleine expansion.
Pour de nombreux observateurs, cette initiative est une réponse attendue à l’évolution rapide du numérique au Bénin, où les réseaux sociaux jouent désormais un rôle majeur dans l’information, la mobilisation sociale, le marketing et même la politique.
Boris MAHOUTO