Le climat politique s’est tendu d’un cran ce mercredi à l’Assemblée nationale. Douze députés du parti Les Démocrates, principale formation de l’opposition, ont officiellement déposé une résolution en vue de la création d’une commission d’enquête parlementaire. Cette initiative, politiquement lourde de sens, vise à faire toute la lumière sur la gestion des fonds publics dans un secteur jugé stratégique pour l’économie nationale.
La démarche des élus de l’opposition intervient à la suite de déclarations jugées troublantes et révélatrices, tenues récemment par un ancien ministre en l’occurrence Paulin Akponna lors d’une visite publique à Parakou. Ce dernier aurait évoqué, à mots à peine voilés, des irrégularités, des détournements ou une mauvaise allocation des ressources, jetant ainsi un pavé dans la mare et suscitant l’indignation dans l’opinion.
Une réaction rapide des députés d’opposition
Fidèles à leur rôle de contre-pouvoir institutionnel, les députés Les Démocrates affirment, dans leur résolution, qu’il est impératif de faire toute la clarté sur la manière dont les ressources publiques ont été gérées dans ce secteur « vital pour la souveraineté nationale et le bien-être des populations ».
Ils estiment qu’au regard des soupçons portés et des accusations indirectes formulées par un ancien membre du gouvernement, le Parlement ne peut rester indifférent, d’autant que les propos en question n’ont pas été démentis officiellement par les autorités concernées. « Cette commission d’enquête n’a pas pour but de nuire à qui que ce soit, mais de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions et dans la gestion des deniers publics », a déclaré un député signataire de la résolution, sous couvert d’anonymat.
Une affaire qui embarrasse le pouvoir ?
Si du côté du parti au pouvoir, les réactions restent mesurées, plusieurs sources proches de la majorité jugent cette initiative politiquement motivée, voire instrumentalisée pour créer une tempête médiatique à l’approche des grandes échéances électorales.
Cependant, l’ancien ministre à l’origine de cette tempête verbale, aujourd’hui sans portefeuille, n’a pas cherché à minimiser ses propos. Bien au contraire, selon certains extraits de son discours à Parakou, il aurait laissé entendre que « des milliards sont partis en fumée dans des procédures opaques », suscitant la colère de certains hauts responsables administratifs et la gêne visible de plusieurs cadres du régime.
*Quelle suite institutionnelle ?*
Conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, une telle résolution, pour aboutir à la mise en place effective d’une commission d’enquête, devra recevoir l’aval du Bureau de l’Assemblée, puis être soumise à débat et vote en séance plénière. La majorité parlementaire, acquise au pouvoir en place, aura donc la clé du verrou institutionnel. Reste à savoir si elle optera pour l’ouverture et la transparence, ou si elle cherchera à étouffer l’affaire en usant de sa force de frappe numérique.
*Un test de maturité démocratique*
Pour de nombreux observateurs politiques, cette situation constitue un test grandeur nature pour la démocratie béninoise. La demande de commission d’enquête, si elle est débattue sérieusement et sans manœuvres dilatoires, pourrait redonner du crédit à l’institution parlementaire, souvent perçue comme monocolore et inféodée à l’exécutif. Le débat qui s’annonce à l’Assemblée sera suivi de près par la société civile, les médias, les partenaires internationaux du Bénin et, surtout, par une population de plus en plus exigeante sur la transparence dans la gestion des affaires publiques.
En réclamant la mise en place d’une commission d’enquête sur la gestion des fonds publics dans un secteur stratégique, Les Démocrates entendent voir clair dans le dossier, étant donné qu’il s’agit des fonds publics et surtout des révélations faites par un ministre du gouvernement, limogé au lendemain de ses déclarations. La balle est désormais dans le camp du Parlement, sommé de prouver son indépendance ou de confirmer les critiques récurrentes sur sa docilité. L’opinion, elle, attend des réponses, pas des silences gênés.
Boris MAHOUTO