L’élection présidentielle au Tchad se tiendra le 6 mai, a annoncé mardi l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE), un scrutin qui mettra fin à une période de transition qui aura duré trois ans.
A 37 ans, Mahamat Idriss Déby Itno avait été proclamé par l’armée le 20 avril 2021 président de la transition, à la tête d’une junte de 15 généraux, après la mort de son père Idriss Déby Itno, mortellement blessé par des rebelles au front.
Il avait immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils en organisant des élections 18 mois plus tard, échéance finalement repoussée de deux ans. La fin de la transition au Tchad avait alors été décalée au 10 octobre 2024.
« Au-delà de cette date (du 10 octobre), le pays tombera dans un vide juridique, synonyme d’un chaos prévisible. Il est donc impératif de tenir les élections avant », a déclaré le président de l’ANGE Ahmet Bartchiret.
« L’ANGE a arrêté un chronogramme réaliste et réalisable qui s’articule notamment autour des points ci-après: le 6 mai 2024, tenue du premier tour de l’élection présidentielle », a annoncé M. Bartchiret.
M. Déby s’était pourtant engagé auprès de l’Union africaine à ne pas se présenter, mais mi-décembre une nouvelle Constitution adoptée par référendum – à 86% – l’y a finalement autorisé.
« Elections taillées sur mesure »
L’opposition, qui avait appelé à boycotter le référendum, avait fortement contesté les résultats, évoquant « une confiscation du pouvoir ».
Les forces d’opposition craignent la perpétuation d’une « dynastie Déby » dans le pays d’Afrique centrale, le deuxième le moins développé au monde selon l’ONU. Avant son fils, Idriss Déby Itno, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat, avait dirigé le pays d’une main de fer de 1990 jusqu’à sa mort en 2021.
Les candidats qui souhaitent se présenter devront déposer leurs candidatures au plus tard le 15 mars, mais devront surtout affronter Mahamat Déby, investi par le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti majoritaire fondé par son défunt père.
« Le pouvoir et le MPS voulaient passer rapidement à une autre étape, celle d’avoir un président élu pour éviter la confusion totale dans l’exercice du pouvoir », analyse Kelma Manatouma, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université de N’Djamena.
Soumaine Adoum, porte-parole de Wakit Tama, principale plateforme d’opposition citoyenne, a dénoncé « un délai très court » et « des élections taillées sur mesure. »
En cause, la nomination directe par le président des membres de l’ANGE, du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême, organes chargés du contentieux électoral et de la validation des résultats.
Mais aussi l’adoption, le 22 février par un Parlement provisoire dont les membres ont été désigné par l’exécutif, d’un nouveau code électoral qui abaisse l’âge minimal requis pour se présenter à l’élection présidentielle de 45 à 35 ans. Une aubaine pour le président-général, qui fêtera ses 40 ans au mois d’avril.
Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières et coordinateur de la Force de l’opposition crédible (FOC), s’est déclaré « prêt à affronter n’importe quelle bataille électorale », mais a dit se concentrer pour l’instant sur des « actions citoyennes dans les jours à venir pour contraindre la junte à revenir sur le calendrier électoral ».
– « Stabilité » –
Les manifestations de l’opposition sont systématiquement interdites depuis celle réprimée dans le sang le 22 octobre 2022. Entre 100 et 300 personnes avaient alors été tuées par balles par les forces de l’ordre.
Suite à cette manifestation, de nombreux cadres de l’opposition avaient été contraints de s’exiler, dont Succès Masra, actuel Premier ministre et président des Transformateurs, un parti politique anciennement d’opposition. M. Masra n’était revenu qu’un an après, à la faveur d’un accord de réconciliation qui a scellé sa rupture avec l’opposition.
Cet accord, selon M. Manatouma, avait « rassuré la communauté internationale qui avait à son agenda la stabilité du Tchad, pour éviter la contagion de la situation des autres pays du Sahel. »
Interrogé mi-février sur une éventuelle candidature, Succès Masra avait botté en touche et s’était revendiqué « serviteur de l’Etat », « rien de plus, rien de moins ».