À quelques mois des élections générales de 2026, la dynamique électorale au sein du camp présidentiel laisse entrevoir un paradoxe. D’un côté, les partisans de la mouvance mettent en avant les acquis majeurs du régime de la Rupture, citant des réalisations qualifiées de « pharaoniques » dans les infrastructures, la modernisation de l’économie et la transformation structurelle du pays. De l’autre, une frange de l’opinion publique nourrit un certain ressentiment, alimentant la perspective d’un vote sanction qui pourrait fragiliser le duo présidentiel porté par la mouvance.
Des acquis incontestables… mais insuffisants pour certains
Depuis 2016, le gouvernement de la Rupture a engagé des chantiers d’envergure : routes modernes, projets d’assainissement urbain, amélioration de l’attractivité économique, assainissement des finances publiques, développement touristique et mise en valeur des pôles agricoles. Ces actions, saluées par des partenaires internationaux et par une partie des citoyens, positionnent le Bénin comme un pays en mutation et un hub de développement pour des investissements productifs.
Romuald Wadagni, actuel ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances et dauphin désigné de la mouvance présidentielle, est perçu comme l’architecte de la stabilité macro-économique. Ses réformes lui valent le respect dans les cercles financiers régionaux et internationaux. Mais paradoxalement, cette expertise pourrait ne pas suffire à garantir un large plébiscite populaire.
Les zones d’ombre d’une gouvernance exigeante
Plusieurs facteurs risquent en effet d’alimenter une contestation silencieuse dans les urnes. Au premier point, la pauvreté ambiante dans le pays. Malgré les progrès macro-économiques, le quotidien de nombreuses familles reste marqué par le chômage, la cherté de la vie et un pouvoir d’achat affaibli. Sur un autre volet, on note la fragilisation des libertés démocratiques. En effet, la question des exilés et détenus politiques continue de nourrir la critique, renforçant le sentiment d’un rétrécissement de l’espace démocratique. Plus loin, les déguerpissements et expropriations à la base d’un mécontentement général. Les opérations d’assainissement urbain et les projets d’utilité publique, bien que stratégiques pour le développement, ont laissé derrière eux des populations désemparées, contraintes à la précarité. À tout ceci, s’ajoute un climat social tendu : les grincements de dents au sein de certaines couches sociales – commerçants, jeunes diplômés sans emploi, agriculteurs – pourraient se traduire par une sanction électorale.
Entre reconnaissance et mécontentement
Le dilemme électoral se dessine donc clairement : comment concilier les grandes réformes économiques, souvent jugées technocratiques, avec les attentes sociales immédiates des citoyens ? La mouvance présidentielle devra travailler à reconquérir les cœurs en dehors de son électorat traditionnel, au risque de voir se cristalliser un vote sanction.
Un scrutin sous tension
À l’approche de 2026, l’opposition, encore divisée et hésitante, pourrait trouver dans ce malaise populaire une opportunité inespérée. Mais tout dépendra de sa capacité à s’unir et à offrir une alternative crédible face à un duo présidentiel qui mise sur la continuité.
Une chose est certaine : le scrutin à venir ne se jouera pas uniquement sur les réalisations visibles du régime, mais aussi sur la perception intime des électeurs quant à leur quotidien. Et dans cette bataille silencieuse entre fierté des grandes réformes et mécontentement populaire, le spectre d’un vote sanction plane sur la mouvance présidentielle.
Boris MAHOUTO