C’est un chiffre qui fait parler : avec 1,8 million de tonnes de riz importées en 2024, le Bénin se hisse au rang de premier importateur mondial de riz en provenance d’Inde, devançant des géants traditionnels comme l’Arabie Saoudite et la Guinée. Une performance qui suscite autant de surprise que d’interrogations.

Selon les dernières données rendues publiques par le ministère indien du Commerce et de l’Industrie, le petit pays d’Afrique de l’Ouest a importé à lui seul près de 15 % des exportations totales de riz indien, un record historique dans les échanges commerciaux entre les deux pays.
*Un paradoxe commercial*
Avec une population d’environ 13 millions d’habitants, le Bénin ne figure pourtant pas parmi les plus grands consommateurs de riz au monde. Ce classement inattendu s’explique en grande partie par le rôle stratégique du Bénin dans le commerce régional en Afrique de l’Ouest. « Le Bénin est devenu un hub logistique pour le riz destiné à plusieurs pays voisins comme le Niger, le Burkina Faso ou encore le Nigeria, avec lequel il partage une frontière très poreuse », explique un opérateur économique grossiste basé à Cotonou. En clair, une partie importante du riz importé au Bénin est réexportée ou transite illégalement vers d’autres pays, notamment via des circuits informels.

Un effet de la fermeture partielle des frontières nigérianes
Le Nigeria, qui reste le plus grand marché de consommation de riz en Afrique, a renforcé ces dernières années ses politiques protectionnistes, interdisant notamment l’importation de riz par les frontières terrestres. Cette mesure, bien qu’officiellement motivée par la volonté de soutenir la production locale, a dopé les importations dans les pays frontaliers.
Le Bénin, grâce à ses ports et ses corridors commerciaux bien développés, a ainsi vu ses volumes d’importation exploser. « C’est un secret de polichinelle : une partie du riz consommé au Nigeria passe toujours par le Bénin », confie un opérateur portuaire.
*Une dépendance croissante*
Ce boom des importations n’est pas sans conséquences. D’une part, il reflète la dépendance alimentaire persistante de la région vis-à-vis des grandes puissances agricoles asiatiques. D’autre part, il relance le débat sur les capacités locales de production de riz, pourtant encouragées par des politiques agricoles nationales.
« Il y a un paradoxe à voir un pays comme le Bénin importer autant de riz, alors même qu’il dispose d’un potentiel agricole énorme dans la vallée de l’Ouémé ou dans le bassin du Mono », déplore un agroéconomiste de l’Université d’Abomey-Calavi. Malgré des investissements croissants, la filière rizicole locale peine encore à répondre à la demande.
*Quelles perspectives ?*
Face à cette situation, les autorités béninoises assurent travailler à renforcer la production nationale, notamment à travers des partenariats public-privé et des projets d’irrigation. Mais le chemin reste long pour inverser la tendance.
D’un point de vue géopolitique, cette position de premier importateur place désormais le Bénin au centre des enjeux de sécurité alimentaire sous-régionaux, mais aussi au cœur d’intenses négociations commerciales avec des partenaires asiatiques.
Ce record d’importation, s’il témoigne d’une dynamique économique, met également en lumière les fragilités du système alimentaire ouest-africain, encore largement tributaire des importations, dans un contexte mondial marqué par les incertitudes climatiques, les tensions géopolitiques et la volatilité des prix.
Boris MAHOUTO