La scène politique béninoise n’en finit pas de surprendre à la veille de la présidentielle de 2026. Alors que le pays croyait encore à un sursaut de l’opposition, le candidat du parti Les Démocrates, Me Renaud Agbodjo, vient d’annoncer son retrait temporaire de la vie politique. Une décision inattendue, survenue après la validation par la Cour constitutionnelle de la liste définitive des duos retenus pour la course à la magistrature suprême. Et déjà, cette annonce soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Une candidature avortée et une démission incomprise
Tout est parti de la décision rendue le lundi 27 octobre 2025 par la Cour constitutionnelle. Dans son arrêt, la haute juridiction a confirmé la liste provisoire publiée par la Commission électorale nationale autonome (Céna), écartant de facto la candidature du duo du parti Les Démocrates pour dossier incomplet. Un coup dur pour le principal parti d’opposition, déjà affaibli par des divisions internes et par le poids des échecs successifs aux élections passées.
Mais au-delà du rejet, c’est la réaction de Me Renaud Agbodjo qui a pris de court l’opinion publique. Dans une déclaration solennelle, l’avocat a pris acte de la décision de la Cour, tout en appelant ses militants à préserver la paix et la concorde nationale. Il a également adressé un message d’apaisement au candidat du pouvoir, le ministre d’État Romuald Wadagni, l’invitant à œuvrer pour la réunification du pays. Jusque-là, rien d’anormal. Mais la suite de son discours a provoqué un véritable séisme politique : « Après mûres réflexions, je me retire de la vie politique béninoise pour un temps, afin de me consacrer à ma famille, à mon cabinet et à mes proches », a-t-il déclaré avec gravité.
Une « décision de trop » ou une fuite déguisée ?
Pour de nombreux observateurs, cette décision soudaine ressemble moins à un acte de sagesse qu’à un désengagement précipité. Car comment comprendre qu’un homme de 43 ans, à peine entré dans l’arène politique, renonce si vite à son engagement ? Me Agbodjo incarnait pourtant, pour une frange importante de la jeunesse béninoise, l’espoir d’un renouveau politique.
À peine désigné candidat, il avait réussi à fédérer les énergies, suscitant un engouement rare au sein de l’opposition. Son dépôt de dossier à la Céna avait donné lieu à une véritable ferveur populaire : chants, banderoles, promesses d’alternance… tout laissait croire que Les Démocrates tenaient enfin un leader rassembleur capable de redonner souffle à la lutte politique. Et voilà que le rêve s’effondre, aussi vite qu’il s’est levé. D’où la question : qu’est-ce qui pousse un jeune leader à tout abandonner après un premier revers ?
Des précédents inquiétants
Certains analystes évoquent une crainte diffuse au sein de l’opposition. Le sort réservé à Reckya Madougou et Joël Aïvo emprisonnés et les exilés politiques, plane encore dans les esprits. L’ombre de la répression politique et judiciaire semble toujours hanter les acteurs du camp opposé au pouvoir.
Dans ce contexte, le retrait d’Agbodjo prend une tout autre dimension : prudence ou peur ? Faut-il y voir la main d’une pression invisible, d’un avertissement silencieux ou d’un calcul stratégique ? Difficile à dire. Mais ce qui est certain, c’est que cette démission momentanée affaiblit davantage l’opposition déjà fragilisée, et laisse le champ libre à un pouvoir solidement structuré autour du duo Wadagni.
Une opposition en quête d’un nouveau souffle
Au sein du parti Les Démocrates, la stupeur est totale. Les militants, qui espéraient un recours politique ou une mobilisation nationale, peinent à comprendre cette retraite jugée trop prématurée. Car Me Renaud Agbodjo, qui n’avait encore jamais occupé de hautes fonctions électives, aurait pu profiter de cette expérience pour affirmer son leadership, affiner sa stratégie et préparer l’avenir. Au lieu de cela, il choisit le silence et le retrait, laissant derrière lui un vide difficile à combler. « Depuis quand entre-t-on en politique pour se retirer à la première difficulté ? » question qui revient sur toutes les lèvres.
Une page qui se tourne… ou une stratégie en coulisses ?
Officiellement, Me Agbodjo parle d’un retrait momentané. Mais dans un pays où la frontière entre stratégie et abdication est souvent mince, son départ interroge. Certains proches évoquent une mise en retrait tactique, destinée à éviter les tempêtes judiciaires et préserver son image pour un éventuel retour dans quelques années. Quoi qu’il en soit, cette décision constitue un tournant politique majeur dans le paysage électoral béninois. Elle confirme la désorientation de l’opposition et offre au pouvoir en place une élection apaisée, mais sans véritable contradiction démocratique.
Le départ de Me Renaud Agbodjo restera sans doute comme l’un des grands mystères de cette présidentielle 2026. Un geste perçu par certains comme un signe de lucidité, et par d’autres comme une capitulation prématurée. Une chose est sûre : le silence de l’opposition résonne aujourd’hui comme un écho inquiétant dans un Bénin où la démocratie semble avoir perdu une voix prometteuse.
Boris MAHOUTO