Une nouvelle page politique s’ouvre à l’Assemblée nationale du Bénin. Les députés issus des groupes parlementaires Union Progressiste le Renouveau (UPR) et Bloc Républicain (BR) ont officiellement déposé, ce vendredi, une proposition de loi portant révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Ce geste relance le débat sur l’avenir institutionnel du pays et soulève de nombreuses interrogations quant aux intentions réelles des initiateurs.
Une initiative politique lourde de sens
Selon les informations recueillies au Palais des Gouverneurs à Porto-Novo, la proposition a été introduite conformément aux dispositions prévues par la loi fondamentale, qui autorise un tiers des députés à initier un projet de révision constitutionnelle. Les élus de la mouvance présidentielle affirment vouloir « adapter la Constitution aux exigences de la modernisation de l’État » et « corriger certaines insuffisances relevées depuis la révision de 2019 ».
Pour les initiateurs, il ne s’agit pas d’un projet politique caché, mais d’un acte « technique et responsable » visant à renforcer la démocratie béninoise, à consolider les institutions de la République et à améliorer le fonctionnement du système électoral.
Des points sensibles à surveiller
Même si le contenu exact du texte n’a pas encore été rendu public, certaines indiscrétions laissent entendre qu’il pourrait toucher à des aspects clés du régime politique, notamment la gouvernance locale, le statut des institutions indépendantes, et la clarification du rôle du vice-président de la République. Des rumeurs évoquent également la possibilité d’ajustements sur la durée ou le nombre de mandats, une question toujours sensible dans l’opinion publique béninoise.
Entre prudence et méfiance dans l’opposition
Du côté des démocrates et des députés non-inscrits, la méfiance est de mise. Pour eux, toute nouvelle révision constitutionnelle à ce stade du dernier quinquennat du président Patrice Talon doit être observée avec la plus grande vigilance. Certains craignent une manœuvre politique déguisée visant à préparer l’après-2026 ou à consolider davantage le pouvoir en place.
Un député de l’opposition confie sous anonymat : « Nous serons attentifs au contenu de cette proposition. Le Bénin n’a pas besoin d’une nouvelle révision cosmétique, mais d’une gouvernance plus juste, plus équitable et respectueuse des principes démocratiques. »
Le spectre du précédent de 2019
La dernière révision de la Constitution, adoptée en novembre 2019, avait déjà suscité un vif débat national. Elle avait notamment introduit la vice-présidence, la promotion de la parité hommes-femmes et la reconnaissance du parrainage pour les élections présidentielles. Si elle avait été saluée par certains comme une modernisation du cadre institutionnel, d’autres y avaient vu un recul démocratique et une exclusion de l’opposition.
Vers un débat politique intense
La proposition des députés UPR et BR devrait maintenant suivre le processus législatif habituel : étude en commission, débat général, puis vote en plénière. Pour être adoptée, elle devra recueillir la majorité des quatre cinquièmes des députés, ou, à défaut, être soumise à référendum populaire, conformément à la Constitution.
D’ores et déjà, les regards sont tournés vers la Conférence des présidents et le Bureau de l’Assemblée nationale, qui décideront de la suite à donner à cette initiative. Entre calculs politiques et enjeux institutionnels, le pays s’apprête à vivre un nouveau chapitre du débat sur la gouvernance et la stabilité de ses institutions.
Boris MAHOUTO