De grands espoirs, des moyens politiques considérables, un poids parlementaire inédit pour une formation d’opposition… et pourtant, le parti Les Démocrates traverse aujourd’hui une crise existentielle dont il porte seul la responsabilité. Entre divisions internes, erreurs stratégiques et inorganisation chronique, la déroute était presque écrite.
Des débuts prometteurs, une désillusion rapide
Lors des élections législatives de 2023, le parti Les Démocrates (LD), conduit par Éric Houndété, avait réussi l’exploit de décrocher 28 sièges à l’Assemblée nationale, devenant ainsi la principale force d’opposition au régime de Patrice Talon. Pour beaucoup, cette percée électorale marquait le retour d’un véritable contre-pouvoir au Parlement béninois.
Mais à peine installés, les députés LD ont très vite montré les signes d’une opposition plus symbolique que stratégique. Les absences répétées lors des grands débats parlementaires, la difficulté à construire une ligne politique claire et l’absence d’initiatives fortes ont fini par donner une image d’un parti sans boussole.
La politique de la chaise vide : un échec assumé
Au lieu de jouer pleinement leur rôle d’opposition constructive, les députés démocrates ont, pendant une bonne partie du mandat, opté pour la politique de la chaise vide, boycottant des sessions importantes, se retirant de débats cruciaux et refusant de participer à certaines commissions. Cette posture, perçue comme une stratégie de protestation, s’est retournée contre eux. Car au lieu d’affaiblir le pouvoir, elle a surtout fragilisé leur propre crédibilité politique. Le peuple béninois, qui attendait d’eux une opposition intelligente, rigoureuse et engagée, a eu droit à un spectacle d’impuissance et de divisions.
Présidentielle 2026 : la grande désillusion
Aujourd’hui, à la veille de la présidentielle de 2026, Les Démocrates se retrouvent écartés du jeu politique. Leur non-participation à cette élection cruciale est vécue comme une humiliation pour leurs militants, qui espéraient voir le parti défendre ses idéaux dans les urnes. Les causes sont connues : inorganisation interne, querelles de leadership, absence de stratégie claire, et surtout une incapacité à s’unir autour d’une candidature solide. Le verdict est sans appel : le parti n’a pas pu remplir les conditions requises par la Cour constitutionnelle, conséquence directe d’une préparation bâclée et d’une gestion politique approximative.
Un gâchis collectif
Tout cela laisse un goût amer. Comment un parti qui incarnait l’espoir de millions de Béninois opposés au pouvoir en place a-t-il pu en arriver là ? Les Démocrates avaient une occasion historique d’incarner une alternance crédible, de structurer l’opposition et de redonner voix aux électeurs frustrés par la domination de la mouvance présidentielle. Mais au lieu d’en faire une force, ils se sont perdus dans des querelles intestines, des calculs personnels et des improvisations successives.
Leçons à tirer
Cette situation sonne comme un avertissement pour l’ensemble de la classe politique béninoise. L’opposition ne peut se construire sur des émotions, ni sur des revendications sauvages. Il faut une organisation rigoureuse, une vision claire et surtout une capacité à parler d’une seule voix. À l’heure où d’autres forces politiques se réorganisent pour occuper le terrain, Les Démocrates laissent derrière eux l’image d’un gâchis monumental — celui d’un parti qui aurait pu devenir une alternative crédible, mais qui a choisi de s’autodétruire.
Boris MAHOUTO