La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a rendu son verdict dans l’un des dossiers de malversations les plus retentissants du paysage audiovisuel béninois. Ce mercredi 9 juillet 2025, l’ex-directeur financier de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (ORTB) a été condamné à 10 ans de prison ferme et 100 millions de francs CFA d’amende pour détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux.
L’affaire remonte à la période 2017-2019, époque à laquelle de graves irrégularités financières ont été détectées au sein de l’ORTB, aussi bien au siège de Cotonou qu’à la direction régionale de Parakou. À l’origine de la procédure : un signalement de dysfonctionnements émis à l’Inspection générale des finances (IGF), qui a conduit à un audit interne approfondi. Le rapport accablant des inspecteurs a révélé un système bien organisé de détournement de fonds, impliquant notamment : l’usage de factures fictives pour des prestations non réalisées, la falsification de documents comptables, l’émission de chèques détournés au profit de particuliers, des cas de rétrocommissions et de surfacturation et même le détournement de matériel destiné à la direction régionale de Parakou.
Neuf personnes à la barre, des peines lourdes prononcées
Au total, neuf prévenus ont comparu devant la CRIET dans ce dossier. Le procès, qui a duré plusieurs semaines, a été marqué par des dénégations et des aveux partiels. Sept accusés ont plaidé non coupables, deux personnes ont reconnu avoir participé à des opérations de détournement, deux prévenus ont été acquittés, faute de preuves suffisantes. Quant aux peines, elles sont à la hauteur de la gravité des faits : l’ex-directeur financier, principal accusé, a été reconnu coupable de détournement de fonds publics et blanchiment de capitaux. Il écope de 10 ans de réclusion criminelle et devra verser une amende de 100 millions de francs CFA, l’ancienne directrice régionale de Parakou, jugée pour complicité, a été condamnée à 4 ans de réclusion criminelle et 10 millions de francs CFA d’amende, quatre autres personnes impliquées dans l’exécution des manœuvres frauduleuses écopent chacune de 4 ans de prison et 10 millions d’amende. La neuvième personne a été condamnée à 7 ans de réclusion criminelle et 100 millions de francs CFA d’amende, sa responsabilité ayant été jugée plus active dans la chaîne de détournement.
Un signal fort contre l’impunité
Ce verdict de la CRIET, qui intervient dans un contexte de tolérance zéro face à la corruption, envoie un signal fort à l’ensemble de l’administration publique. En condamnant avec fermeté des agents impliqués dans un réseau structuré de fraude financière, la Cour entend réaffirmer le principe de redevabilité et la nécessité de probité dans la gestion des fonds publics. Au-delà des peines prononcées, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la gouvernance des médias d’État. Elle met en lumière les failles dans les systèmes de contrôle interne, la vulnérabilité des régies financières et le manque de traçabilité dans l’exécution des dépenses. Des réformes structurelles s’imposent désormais à l’ORTB, tant sur le plan administratif que financier, pour rétablir la confiance du public et garantir une gestion saine, transparente et conforme aux normes de bonne gouvernance.
Vers la restitution des fonds ?
Si les peines pécuniaires prononcées visent en partie à compenser les pertes subies, la question de la restitution effective des fonds détournés demeure cruciale. Des mesures complémentaires pourraient être engagées par l’État, notamment la saisie des biens des condamnés, pour permettre le recouvrement des sommes indûment perçues. L’affaire ORTB devenu SRTB restera sans doute comme l’un des cas emblématiques de la lutte contre la corruption menée par la CRIET depuis sa création. Elle rappelle que les deniers publics sont sacrés et que leur gestion appelle une vigilance permanente de la part des institutions, mais aussi de la société civile et des citoyens.
Boris MAHOUTO